Si le passé nous était conté, on comprendrait mieux l’essence de ce foutu et fichu quotidien qui nous mine. La valeur du temps, l’espace occupé, les pleurs, les joies, fous-rires et écarts de mots, la passion du foot nous a laissé dix fois sur le carreau plus qu’une. Il y avait un pays: le Cameroun et mon club: l’Union de Douala. Début de parcours séduisant et éclatant.
Nous décrochons en 1981, le premier titre junior du Cameroun devant 38 spectateurs au Stade militaire de Yaoundé. Qu’importe! Le voyage, les amis, le trip d’avoir été quelque part pour quelque chose. L’Odyssée d’un amant du ballon rond. Aujourd’hui le témoignage de l’une des plus belles pages de ce parcours avec ma dernière année dans l’Union Sportive de Douala… La Coupe du Cameroun 1985 plus particulièrement.
Tout commence en fait à se dessiner avec la demi-finale contre Unité de Douala. Rivalité de clans mille fois exacerbée, les joutes entre les deux clubs de New Bell sont légendaires. Nous avons une responsabilité historique face à ce quartier et la hiérarchie se doit d’être respectée. Même si elle n’est plus aussi pimpante qu’avant, l’Unité de Douala se transcende contre les plus grands clubs du pays. Demandez à Canon et à Dynamo qui s’y sont frottés.
Au delà de la rencontre, il y a la nat. Claude Le Roy est au pays et fait le tour des provinces avec ses adjoints pour puiser les meilleurs pouvant composer les futurs Lions indomptables. Ce dimanche 16 juin 1985, le Stade de la Réunification est plein comme un oeuf et parmi les spectateurs, Jules Nyonga aux côtés de quelques membres des Nassaras. Parmi les joueurs, la concurrence est vive et les entraînements donnent lieu à des batailles entre les possibles et les probables. Ce qui ne fait pas de mal au staff technique bien heureux de cette émulation.
Comme à son habitude, Abong Théophile (le regreté) donne la liste sur le bord du terrain. Surprise sans en être vraiment une! Je suis titularisé. Mbinkeu est malade.. (Je jure, ce n’est pas moi qui ai secoué l’écorce)
Coup d’envoi sous un soleil de plomb. Les youyous fusent. Rompus à des automatismes depuis que les peintres ont repris les commandes sur le terrain, nous démarrons en force.
3ème minute, Ngondiep relance sur Youmbi à droite qui passe en profondeur sur Mbouh. Zepa sent le coup et sollicite à l’intérieur. Je dédouble sur l’aile et reçoit une passe lumineuse que je m’empresse de remettre. Le une-deux est parfait et Zepa centre au deuxième poteau où Feutmba à l’affût marque. Du grand art!1-0.
Enoka nous souffle: « CE N’EST PAS FINI, ENCORE! »
On lit comme un doute dans les yeux des Unitaires. Les minutes coulent et les spectateurs croient à un sursaut lorsque Feutmba fait un gris-gris sur la gauche, étale deux défenseurs avant de centrer pour Djonsi qui place la tête. Facile! Rassurés, nous prenons le jeu à notre compte. Au milieu, je m’évertue à singer Arantes. Ce qui me vaut une réprimande d’Ébwea à qui Enoka réplique: « LAISSE L’ENFANT JOUER! » Mbouh saute plus haut que tout le monde, Ayina se prend pour Bossis, Domche veut SON but, Zepa se rappelle de ses années OSSUC et massacre le short de son vis à vis. Il manquera du savon PAX ce soir à New Bell.
Mi-temps. Le DS descend de la tribune et souffle quelque chose au staff technique. Nous comprenons que la manière ne suffit pas. Monstrueux après un stage bloqué, on est prêt à monter au créneau physique car l’ordre semble avoir été donné de l’autre côté de nous marcher dessus.
À la reprise, Unité relance les débats avec force. On accuse le coup et on veut laisser passer l’orage. Le seul qui comprend encore le foot dans nos rangs est Ngondiep qui nous sauve du pire en deux ou trois occasions. À l’heure de jeu, le naturel nous revient. On zigzague sur la pelouse-martyr du Stade de la Réunification. Le virage de Bépanda TSF rayonne. C’est là notre plus gros fan club ! Côté tribune officielle, une handballeuse qui a promis venir nous voir est là. Je sens son souffle et je multiplie les touches de balle. La petite appréciera mais sans plus. À la fin du match, elle s’éclipsera avec Ébwea. Shit! Domche qui s’est si bien battu a enfin la récompense de ses efforts. Une balle en cloche et « Johnny Hallyday » prolonge d’un belle frappe! Les missolè sont frits et nos adversaires sortent de l’huile le temps d’une bravade pour marquer. Trop tard, les commandes sont passées au circuit et on pense à la suite.
Deux jours plus tard, Leroy annonce sa première pré-sélection pour le stage des « Intondables » au Brésil. Mis au courant le Lundi, Missé Missé qui est dans Rail FC a pris des informations et me souffle que j’ai été barré au profit de Mbinkeu. Même mon lato droit préféré Youmbi a été appelé. Polé ! La haute Polé !
Pas grave, Dieudonné Monthé me pardonne mes absences répétées et je continue à bosser à la SOCCA-SOCABAIL. De toutes les façons, j’ai appris à prendre les coups sans trop m’en faire. Le souvenir de ma douloureuse déconvenue l’année précédente contre Dihep Di Nkam a laissé trop de traces. On y reviendra mais nous parlerons d’abord du succès de la décennie…
Canon s’est qualifié de son côté et ce sera une autre paire de manche. Revanche d’un certain 3-2 trois années auparavant, crie-t-on dans les rangs du club. On est prêt à relever le défi.
À suivre!
Nséké Nu Nséké, leo@camfoot.com