Qu’il s’agisse de ceux qui quittent la tanière des Lions sur la pointe des pieds ou ceux qui claquent bruyamment les portes, le départ de Womé officiellement annoncé lundi dernier s’ajoute à ceux d’Etame Mayer, Njanka Beaka, Kalla Nkongo, et dans une certaine mesure Mbami, Assou Ekotto, Job et Bikey (qui boudent la sélection), suscitent inquiétudes et interrogations. (Écoutez Womé en audio interviewé par Luis Fernandez)
Autant d’absences et de défections qui tirent la sonnette d’alarme et sonne le tocsin de la loi de l’omerta qui semble être de rigueur dans la sélection nationale. Comment comprendre que des joueurs jadis si fiers d’arborer le vert-rouge-jaune national en viennent à le jeter par-dessus l’épaule ? La tanière des Lions serait-elle devenue un panier à crabes ? On est légitimement tenter de le croire.
Que Womé Nlend, 12 ans aux sein des Lions claque la porte semble étonnant. L’on se souvient que le 5 janvier 2007, Roger Milla et Jean Paul Akono, avaient tenu ses mains pour l’emmener chez le ministre des sports et de l’éducation physique Thierry Augustin Edjoa. A la fin de cette visite, Womé, banni des Lions depuis son fameux penalty manqué le 8 octobre 2005, a déclaré à la presse qu’il était prêt à honorer le drapeau s’il était sollicité par le staff technique de son pays. Trois mois plus tard, le latéral gauche titulaire incontestable du Werder de Brême décide de se « retirer définitivement de l’équipe nationale » à cause des « entraîneurs [qui] n’arrivent plus à prendre leurs responsabilités et ce sont des joueurs qui font maintenant la sélection de leurs coéquipiers », a éructé à notre confrère Cameroon tribune, Womè, avant de s’exclamer ; « C’est trop ! ». Le lendemain, Womé lève le voile et indexe clairement dans le quotidien camerounais Mutations Samuel Eto’o Fils et Rigobert Song d’être à l’origine de ses malheurs en sélection nationale.
La diaspora boude de plus en plus
Ce départ en catastrophe brise le silence assourdissant des défections d’autres Lions. Lauren Etame Mayer en est la parfaite illustration. Voilà près de cinq ans que le joueur de Portsmouth a refermé les portes de la sélection « pour des raisons personnelles ». Moult intermédiaires et « messieurs-bons-offices » se sont cassés la figure devant son mutisme. Dans la foulée, d’autres Lions lui emboîtent le pas. Raymond Kalla, s’est retiré lui aussi – même s’il a fait un aller-retour en 2005- dans les mêmes conditions troubles. Modeste Mbami, dont la dernière apparition avec les Lions remontent en 2005 lors du match Cameroun-Côte d’Ivoire à Yaoundé, aurait été écarté, selon de sources dignes de foi, sous la pression de certains de ses co-équipiers. Bien avant lui, Njanka Beaka, avait pris sa retraite internationale au regard de certains lobbies qui avaient pris en otage l’équipe nationale. Plus près de nous, Joseph Désiré Job et André Stéphane Bikey viennent de bouder gentiment la sélection.
C’est d’ailleurs, entre autres, cette ambiance délétère qui ont encouragé certains compatriotes à délaisser le vert-rouge-jaune du Cameroun pour d’autres nations. On cite entre autres Benoît Assou-Ekotto, Charles Itandjé, Sébastien Bassong, David Ngog, etc. Dans le même registre, on pourrait aussi s’étendre sur le cas des jeunes qui évoluent dans les équipes nationales de jeunes de différents pays européens et qui font des pieds et des mains pour être appelé dans notre sélection sans succès. Le cas de Marvin Matip en est une illustration patente (Voir nos articles Marvin Matip : l’espoir du football allemand d’origine camerounaise et Marvin Matip, symbole d’une Allemagne conquérante ) .
Silence coupable
Alors que cette affaire Womé est au centre de toutes les conversations au Cameroun, le coach adjoint des Lions indomptables Jules Nyongha (qui assure l’intérim depuis la démission de Arie Haan), jette un pavé dans la marre. « Je n’ai pas de moyens. Est-ce que j’ai la voiture que mon prédécesseur utilisait ? Si j’avais au moins le carburant, j’utiliserai mon véhicule personnel pour aller [voir les matches du championnat, ndlr] à Douala, à l’Ouest… Je n’ai pas de crédits de téléphone. C’est le problème avec les entraîneurs locaux. Les moyens ne suivent toujours pas lorsqu’on nous confie les responsabilités» s’est-il fendu en déclaration au quotidien gouvernemental Cameroon tribune.
Une confession suffisamment grave qui emmène à s’interroger sur la pertinence de la fonction d’un sélectionneur (local) national au pays des Lions indomptables : comment et pourquoi un technicien digne peut-il s’encombrer d’une coquille vide s’il n’a pas les moyens pour travailler ? Comment ne pas être complexé quand on est supposé encadrer et donner des ordres à une horde de joueurs millionnaires et milliardaires ?
Si les propos de Womé sont avérés, que faut-il attendre d’une équipe nationale pris en otage par des supposés cadors ? L’équipe nationale du Cameroun (comme son nom l’indique) devrait pourtant appartenir, après tout, à tous les joueurs capables de la faire progresser.
Il y a lieu de s’interroger sur le silence des différents acteurs, de la fédération, et du ministère des sports. Loin de prendre pour parole d’évangile les fracassantes déclarations de Womé, le silence assourdissant est lourd de signification. En attendant leur version des faits, le ver est bel et bien dans le fruit, et le malaise est réel aux seins des Lions qui affrontent ce samedi le Liberia à Yaoundé pour les éliminatoires de la Can 2008.
Écoutez Pierre Womé
Eric Roland Kongou, à Douala