A l’origine, ça ne devait être qu’une face B, un titre que les éditeurs de disque mettaient sur la deuxième face de qu’on appelait alors le 45 tours, pour accompagner le titre vedette destiné aux radios et à l’écoute. Un titre oubliable en quelque sorte. Vainqueur d’un concours pour composer l’hymne de la huitième Coupe d’Afrique des nations qui se tient au Cameroun en 1972, Manu Dibango choisit pour la face B, un titre qui « amuse les petits » quand il fait des onomatopées avec le mot makossa. Alors que le Cameroun sombre dans la déprime après une élimination en demi-finale et un scandale financier, la face B prend son envol.
L’année 1972 a laissé au Cameroun les Lions indomptables et Soul Makossa. Les premiers ont gagné des lettres de noblesse pour le Cameroun sur le continent africain (avec notamment 5 Coupes d’Afrique) et dans le monde avec une inoubliable Coupe du monde 1990 et une médaille d’or olympique en 2000. Et que dire de Soul Makossa ? Repéré par des producteurs ,noirs américains en quête de leurs racines africaines, il permettra à Manu Dibango d’atteindre les sommets des charts américains, au point d’atteindre le Top Ten du Billboard américain. Dix ans plus tard, il atteint l’éternité, suite à une reprise non assumée de Michael Jackson, sur l’album Thriller qui reste, à ce jour, le plus vendu de l’histoire.
Soul Makossa et les Lions indomptables, autant dire que de 1972, on ne se souvient pas de l’échec camerounais en CAN, ni de la face A qui l’accompagne. Exactement, comme on ne souvient pas du score défavorable à la mi-temps d’une rencontre qui délivre un titre suprême. Dans les lectures de palmarès, qui se souviendra que Liverpool était mené (0-3) à la mi-temps de la finale de la Ligue des champions 2005 remportée aux détriments du Milan AC ? Qui se souvient que tous ces scénarios que le football nous propose chaque semaine, nous rappelant ainsi qu’un match a deux mi-temps et que c’est la fin de la deuxième qui écrit l’Histoire.
Manu Dibango nous quitte aujourd’hui, terrassé par le Covid-19, cette face A qui met également le football à l’arrêt. A 86 ans, il n’est pas de meilleur symbole pour le trop vite résumé « en Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » de Amadou Hampaté Ba. Puits de culture, conteur hors pair, Manu a tout connu. La musique noire dans la longue histoire, les luttes africaines pour les indépendances, les évolutions technologiques des supports de musique, c’était un plaisir de l’entendre raconter, avec dans le voix autant de passion que de dérision, ces moments qui nous semblaient si importants. Ses émissions sur Africa N°1 avec Robert Brazza, étaient des bouillons de culture, parcourant plus d’un siècle de musique, avec des anecdotes, comme lui seul savait raconter. Et c’est peut-être ça le plus important : tout au long de sa vie, il a été animé par le désir de transmettre, et laisse donc de nombreuses archives. La bibliothèque était devenue médiathèque. Les murs brûlent peut-être en ce moment, c’est logique d’être triste de ne plus avoir la possibilité de la fréquenter. On souffre peut-être de ne pas pouvoir sortir lui rendre un dernier hommage, parce que confinés, mais la numérisation nous offre la possibilité célébrer sa présence dans nos vies, d’avoir été ses contemporains. Une face B en somme, une deuxième mi-temps, que nous devons tous rendre victorieuse.
Mamako mamassa, mama makossa, pour l’éternité
Notre dossier
- Manu Dibango : la face B pour l’éternité
- Aurélien Chedjou : Important de « respecter les consignes »
- Ernest Epané : « Je profite de ce temps pour faire des recherches »
- Pascal Abunde : « Nous devons mettre les joueurs à l’aise »
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