On nous dira peut-être un jour, nous ne cessons d’espérer, ce qui fait tant courir après TOMBI à ROKO SIDIKI. Ont déjà succombé à son charme irrésistible, tour à tour : le Comité de normalisation avec en tête son Président, l’ex-Secrétaire général des Services du Premier Ministre, le Président du Comité National Olympique et le dernier en date, le Ministre des Sports et de l’Éducation Physique.
Celui-ci dans une sortie fracassante datée du 18 novembre 2015, a donc constaté la validité du processus électoral à la FECAFOOT. C’est d’ailleurs à noter dans les annales du Ministère des Sports au Cameroun qu’un membre du Gouvernement constate une élection fédérale par un communiqué radio-presse.
Juste pour rappel et pour dissiper toute confusion des esprits fragiles des jeunes apprenants du droit administratif, le communiqué radio-presse ne figure pas dans le panel d’actes réglementaires relevant de la compétence d’un Ministre. En termes relativement simples un communiqué radio-presse n’est pas un acte administratif unilatéral, un acte par lequel l’administration modifie l’ordonnancement juridique au sens de la jurisprudence NGONGANG NDJANKEU Martin de 1968, c’est-à-dire qui fixe de nouvelles règles juridiques créant des droits et obligations. Et lorsqu’il fait grief, c’est- à-dire entraine un préjudice, cet acte peut être attaqué dans le cadre d’un contentieux dit administratif. Il peut revêtir la nature d’un décret, d’un arrêté, d’une décision, d’une circulaire etc.
Fort de cela et d’un point de vue juridique, la sortie du MINSEP ne peut être comprise que comme une déclaration d’opinion. Un simple coming-out par lequel l’auteur a décliné sa préférence. Et reconnaissons-le, c’est humain. Sauf que ça peut être lourd de conséquences… La première ayant été l’embarrassante remontée de bretelles à lui servie par entre autres Abdouraman Hamadou, Joseph Antoine BELL dans un communiqué radio-presse de réplique servie le 20 novembre 2015. Ce simple ping-pong d’emblée n’est pas pour conforter l’honorabilité de la fonction ministérielle surtout quand ça laisse l’impression que c’est l’institution étatique qui reçoit des leçons de droit administratif. Qu’est-ce qu’on y lit ?
D’abord que le Ministre des Sports et de l’Éducation Physique n’a pas la compétence d’annuler ou de suspendre les effets de droit d’une décision juridictionnelle et qu’en conséquence, son communiqué n’a donc aucune portée juridique. La véracité de cette assertion n’appelle pas de commentaires.Ensuite, que la prétention ministérielle selon laquelle je cite « veiller au respect par les fédérations des lois et règlement en vigueur » est une « compétence (qui lui est) exclusive », est erratique. La pertinence de cette correction est implacable. Car en effet, ni la Loi du 15 juillet 2011 relative à l’Organisation et à la Promotion des Activités Physiques et Sportives, ni le décret du 1er octobre 2012 ne consacrent cette exclusivité.
Le contrôle de conformité aux lois et règlements incombe effectivement de façon partagée aux organismes publics de régulation ou de tutelle et aux juridictions. Sinon il n’y aurait pas de tribunaux constitutionnels ou administratifs. D’ailleurs la loi de 2011 en son article 48 (2) limite ce contrôle de conformité aux actes pris par les Fédérations dans la gestion des subventions accordées par l’État. Quant au décret de 2012, en son article 35, il précise les missions de la Division des normes, qui est donc chargée de veiller au suivi et à l’application des lois et règlements.
Vu comme cela, cette division aurait déjà dû relever l’illégalité des Statuts de la FECAFOOT. Du coup en voulant maladroitement soustraire le contentieux de la légalité dans les fédérations sportives, de la compétence de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage du CNOSC, le MINSEP s’est regrettablement planté. La jurisprudence étant une source de droit, il suffisait à ses collaborateurs de lui faire lire le paragraphe 66 de la sentence du TAS dans l’affaire ANOUMA qui date seulement du 5 mars 2013 et qui définit le litige sportif. De plus, si la saisine du MINSEP ne peut pas être contentieuse de- puis la loi spéciale du 15 juillet 2011 et surtout parce que l’acte querellé n’émane pas de lui, quelle est donc la nature et le régime juridiques d’une démarche qui consiste à le saisir en contestation de la légalité soit d’une décision du Président de la FECAFOOT ou d’une résolution de l’Assemblée Générale de la FECAFOOT?
Quant au curieux argument récurrent du non épuisement des voies de recours internes par Abdouraman et compagnie, non seulement cette exception a été rejetée le 19 février 2015 par le TAS devant qui, l’avocat de la FECAFOOT a été incapable de dire de quelles voies il s’agit, mais par simple logique, elle pose une question simple. Etant entendu que les textes de la FECAFOOT, même la version dite normalisée, n’ont pas prévu de voies de recours contre les actes du Président ou de l’Assemblée Générale de la FECAFOOT, peut-on parler, si on est normal, de non épuisement de ce qui n’existe pas ? D’ailleurs même dans l’hypothèse où ceux qui invoquent cet argument se fonde sur la mention contenue dans la correspondance de la FIFA installant le Comité de normalisation, qui précisait que les décisions dudit Comité en matière électorale étaient « finales », il faut savoir que c’est cette formule qui était manifestement illégale.
Le contentieux électoral étant un contentieux sportif, le caractère exceptionnel du Comité de normalisation, ne place pas ses décisions au-dessus des lois, et elles ne sauraient donc faire échec à la loi du 15 juillet 2011 qui elle, prévoit des voies de recours au-delà des organes fédéraux. Surtout que sauf à consacrer l’arbitraire et en dehors du recours gracieux préalable qui participe du contentieux administratif, faire du Président du Comité de normalisation un organe juridictionnel pouvant connaitre de la contestation de ses propres actes, aurait relevé d’une absurdité juridique historique, que seul Jérôme VALCKE le maffieux aujourd’hui anesthésié et certains de nos compatriotes, ses dociles affidés, peuvent soutenir.
A ceux qui me demandent, après tout ça qu’est-ce qui va donc arriver ? Je leur réponds par cette pensée «il est difficile d’introduire le pouvoir arbitraire, mais il est bien aisé de le perpétuer».
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