Réunis autour du cercueil du fondateur Samuel Kouam, tout l’effectif est là sous la direction de Dagobert Fampou. Le doyen dirige une séance de recueillement et d’autres choses qui ne vous regardent pas. Physiquement et techniquement on est au top et avec les dernières émotions, une forme d’assurance envahit le groupe.
Gonflés à bloc, les « sûrs » se vantent comme des asticots épileptiques… Les « probables » comme nous calculons nos arrières et surveillons nos sacs comme des valises diplomatiques. Une écorce est vite placée…
Les « compléments de stage » (on est 25) se connaissent mais nourrissent encore un espoir légitime. De toutes les façons, Abong Théophile nous en a déjà fait voir pas mal.
Samedi, départ pour Yaoundé en mission commandée. Les troupes vert et blanc sont en marche pour refaire l’histoire. Après les hilarants Ékoulé et les autres devant Nkono et compagnie à Douala quelques années plus tôt et après la douloureuse déconfiture devant le même kpa kum deux années auparavant, il y a comme une envie de faire la nique aux vert et rouge.
On retraverse le pays Bamiléké et on rejoint la capitale en pleine nuit. Installation à quelques pas du Stade Ahmadou Ahidjo en plein fief canonnier dans la villa fraîchement bâtie d’un membre d’honneur des Nassaras à Ongola. On couchera comme une division aéroportée… à même le sol sur des matelas et dans toutes les pièces. Quand ils veulent passer inaperçu, les guerriers doivent ramper. La dernière arme qui est celle de la foi est bien en place et c’est comme des anges qu’on va au matelas. Comme toujours, le trio brasilieiro Mbouh-Nséké-Zepa fait place commune. Si Paulinho est partant pour le onze de départ, j’ai de la peine à surclasser Mbinkeu. Njonsi est malade, Yon est vieillissant et Kwebou a passé une mauvaise saison. Kamogne a encore trois pas techniques avant de rejoindre mon niveau. Zepa a le même problème surtout parce qu’on joue avec des faux ailiers au départ et MooTòl fait mieux le travail et pète le feu. On en parle avant le dodo et on espère. La défense a les mêmes problèmes. Njoga a fait une belle saison, Ébwéa est dans la nat, Youmbi est frais, Enoka est intouchable… En attaque, Feutmba, MooTòl, Domche, samou et compagnie sont sur le qui-vive… Ngondiep dort avec Andem qu’il couve sous son aile sans danger. Le jeune Bassey apprend bien, vite mais n’est pas pressé.
Nuit paisible et fraîche et lendemain tranquille. La direction est descendue nous chercher un petit déjeuner complet croissants au beurre (T-Bella Oyé !), crêpes et fruits… mais avant, décrassage sans problèmes… Après la bouffe réunion d’avant match puis défilé de tout ce que compte Union comme gros bonnets. Les primes pleuvent et après compilation, les sommes sonnent : 400 000 FCFA pour ceux qui auront foulé la pelouse et 250 000 FCFA pour les réservistes en cas de victoire. Les sourires se font larges sur les visages. Pour blaguer, Ngondiep met une cassette de l’oncle Otsama décrivant le match de Nya’Misoul FC.. On est morts de rire en parlant des Ma Lolo et autres mbianyak… 11 h 30, repas sacré et surtout tombée des équipement tout neufs… Le tract fait son entrée avec les maillots mais l’appétit est bon. Petite sieste et re-réunion au cours de laquelle Abong va donner sa liste des 16. Au courant, Yon me souffle « Ou nTòk »…(tu joues en basa’a). Mon sang vire !
un peu mais je connais trop l’USD pour m’en vanter. Je saurai plus tard que j’étais dans la balance avec Kwebou parmi les 16 suite aux pressions d’un triste membre influent. Mais finalement la saison et surtout quelques avis influents ont penché en ma faveur. Ngondiep qui avait Kwebou sur sa liste me regarde, étonné. Abong a encore frappé ! Une autre surprise.. Njonsi, diarrhéique, est là. Mbinkeu va mieux mais au petit trot.
Direction le stade et chants d’ambiance ! ABC, ABC Wonderful! Éba ! Ngondiep mène le groupe… Nguewa Omer a décidé d’embarquer avec nous… Connaissant notre force de frappe si tout roule, on a un peu pitié de Canon. Il a plu mais on s’en fout pas mal…
L’Omnis est plein à craquer et les délégations diverses sont déjà là pour le défilé On n’attend plus que le Ministre Mbombo Njoya. Secoué par l’affaire de 1984, Bi Mvondo sort quand il peut.
Échauffement d’avant match sur la pelouse; justement, Ngoub’s présente dans des rangs, dit attendre voir ce dont je serai capable avec ma grande gueule. Le stress monte et on est un peu crispés.. Mais quand on voit les gars du kpa Kum s’emmener, on sent qu’on va les manger… Cérémonies écoulées, Robert Messi Messi nous chambre un peu, On ne rit plus.. Seul notre soigneur Sergent Makaya a encore la force de nous sortir un proverbe… « Les amusements on fait que le cabri a monté sa mère »… On étouffe dans nos poumons.. Il faut rester concentrés. L’arbitre nous donne 3 minutes pour se présenter sur le stade. Abong donne les 11 partants sur la piste… Je suis au banc ! Déçu mais résigné je tais ma douleur. Zepa me prend à côté et est certain que je vais rentrer en cours de partie avec lui.
La rencontre débute et on a du mal à faire circuler le ballon à cause de la pelouse glissante. Mais soignés et élégants nous essayons. Enoka dirige en maestro la défense où Njoga a glissé latéral droit. Le Canon est un peu surpris et donne souvent dans l’anti-jeu. Mbinkeu Mbakop fait quelques tours, MooTòl place quelques accélérations qui effraient. Feutmba a la déviation facile car il craint de réveiller sa blessure à la cheville. Songo’o manoeuvre comme bon lui semble et le banc du Canon tonne. On est confiant. Le reste de l’histoire est archi connu. Après avoir tenu, le Canon va se fissurer avec l’entrée de Zepa Alassa. Première action, première tremblote. Les shorts des vert et rouge ne résisteront pas ce soir… Un premier but signé Feutmba qui sur la gauche met le lato de service dans sa petite poche et fait un faux centre-tir. Jacquot a mal anticipé. Mboundja ! Abong regarde sa montre, le banc est calme car qui sait… Minutes longues puis Zepa reprend le même !
manège à droite et place une passe en retrait à MooTòl qui décoche un boulet des 25 m. Songo’o ne peut que se retourner. À 2-0, il faut assurer le résultat. Alors que je m’échauffe depuis 10 bonnes minutes, Abong m’explique qu’il voulait me faire participer à la fête mais il préfère fermer le milieu et demande à Kamogne de s’échauffer.
J’ai les boules et je contiens à peine mes larmes. Cela fait quatre ans que j’ai juré de planter ces mecs et le coach me tue à moins 10 mn de la fin. Anyway on la joue solidaire sur le banc. Abong sort sa Bible et plonge dans un psaume. Andem tremble de tout son corps et s’accroche à moi. Njonsi sourit… Sergent Makaya dit « qu’on ne dort pas avec l’oeil d’autrui » je ne comprends rien à ce proverbe… Sur le terrain, Ngondiep fait son numéro habituel de jongler avec le ballon… Les écharpes des verts et blancs tracent l’espace des tribunes. Fin du match ! On vient de venger nos prédécesseurs. Jubilation et descente immédiate à Sawa… en car…
Les lendemains seront moins gais… Quelques gars quittent le bateau. D’autres achèvent de prendre leur retraite. Je signe dans Rail FC… que je rejoins sans avoir ma prime de la finale sur décision du haut comité des Nassaras que j’avais traité de pourri… et que j’avais comparé à des organisations peu recommandables… Nguewa Omer et ses sbires prennent mal la chose et exigent une lettre d’excuses avant de fournir ma libération. À leur grand désespoir, j’ai appris à écrire et le précieux document leur est envoyé par les soins de Dieudonné Monthé qui me garde à la SOCCA avant mon recrutement effectif à la REGIFERCAM… La suite est personnelle et je jouerai en 1986 en championnat contre le Canon de Songo’o, Misse Misse et Omam et en finale. On perdra 0-1 mais j’aurai eu le loisir de faire la nique à Kundé, Engoudou et les autres au milieu du terrain… avant de quitter le pays. Voilà ce modeste parcours mais surtout la formidable aventure de la victoire de 1985…
FIN
Nséké Nu Nséké, leo@camfoot.com
Lire:
– Série spéciale I
– Série spéciale II