Les bureaux du nouveau ministre des sports et de l’éducation physique sont devenus les derniers salons à la mode. En effet, depuis la nomination du nouveau maître des lieux, Philippe Mbarga Mboa, les locaux ne désemplissent plus. Ses hôtes de marque, essentiellement du giron sportif camerounais et international, Samuel Eto’o Fils, Patrick Mboma, Bill Tchato, Song Bahanag et Yannick Noah, y ont à tour de rôle, fait un brin de causette la semaine dernière. A en juger par leurs déclarations de sortie d’audience, ils ont tous été satisfaits.
Certains sont allés jusqu’à laisser entendre que le Ministre leur a demandé de s’impliquer dans la vie de nos Lions indomptables. D’autres lui ont dit leur disponibilité à mettre leur expérience au service de notre sélection phare en ce moment où celle-ci fourbit ses armes en vue de la phase retour des éliminatoires jumelées CAN-Coupe du Monde 2006. Depuis que des microphones faussement indiscrets ont diffusé les instructions du Président de la République à son Ministre à la conclusion de la Finale de la Coupe du Cameroun de football mardi dernier, nous savons quel est le mandat donné au patron du sport : « Tout s’est très bien passé, M. le Ministre. Maintenant, faites alors repartir les Lions indomptables. Et pas seulement les Lions indomptables. Tous les autres aussi. »
La quête d’un entraîneur national pour les Lions indomptables est entrée dans sa phase finale et Mbarga Mboa a procédé à de multiples consultations à cet effet. Notre rédaction s’est prononcée en faveur d’un technicien chevronné doté de pleins pouvoirs et d’une grande expérience internationale en tant que joueur et entraîneur. Dès le début, comme pour marquer une tendance, nous avons fait état de notre préférence pour Karel Brückner ou quelqu’un de sa trempe. Suite à l’indisponibilité de M. Brückner et du fait que Francisco « Pacho » Maturana figurait dans le dernier trio, nous avons fait de lui notre candidat. Il est en lice contre au moins deux autres candidats sérieux mais, à notre avis, moins outillés pour la tâche : Arthur Jorge, Jean Francois Jodar ou même Luis Fernandez. Que le meilleur gagne ! Nous n’avons plus rien à ajouter à ce dossier à ce stade (l’annonce pourrait intervenir ce vendredi).
En revanche, ce qui inquiète, c’est cette procession chez M. le Ministre. Soyons clairs : M. Mbarga Mboa a raison de solliciter les conseils, voire la collaboration des grandes vedettes passées et présentes du sport en général, et du football camerounais en particulier. Ils peuvent beaucoup apporter à la gestion calamiteuse des Lions indomptables. Leurs états de service et leur contribution au rayonnement sportif de notre pays leur confèrent ce privilège. C’est justement là que le bât blesse. Tous ceux qui font des mains et des pieds aujourd’hui pour s’approcher des Lions indomptables n’ont pas nécessairement cette qualité. Nous avons suffisamment fustigé par le passé l’entourage des Lions indomptables pour ne pas nous y appesantir aujourd’hui, au moment de remettre les pendules à l’heure. L’encadrement des Lions indomptables ne doit pas être un point de chute automatique pour des Lions retraités. Et puis, est-ce vraiment à M. Mbarga Mboa qu’incombe la responsabilité de la gestion quotidienne des Lions Indomptables ?
Les Lions indomptables, dans leurs déplacements, drainent autour d’eux un ballet hallucinant de personnages hétéroclites. A Sousse pendant la CAN 2004, outre l’encadrement technique, on relevait l’omniprésence de Bidoung Mkpatt, la présence incongrue de quatre députés RDPC, de cadres du Ministère de la jeunesse et des sports, de tout le bureau exécutif et des délégués provinciaux de la Fécafoot, de femmes d’affaires, de représentants du Premier Ministre et du Président de la République, de « gros bras » se réclamant des services d’ordre particuliers de certains joueurs, des sponsors de l’équipe, de « beaux-frères » des footballeurs et des entremetteurs de bas étage, voire des filles aux mœurs légères de Mvog Ada et de La Courneuve.
Que les Lions indomptables attirent fans, chercheurs de fortune, badauds et rêveurs en tous genres est tout à fait normal. Ce sont des Lions indomptables. Que tout ce monde se fasse payer voyage et séjour sur les caisses publiques est scandaleux. Autrement, qu’est-ce qui expliquerait qu’au sommet de l’Etat, nul n’ait, avant Lauren et Mbami, tiré la sonnette d’alarme sur les divisions et les querelles qui minent les Lions indomptables ? Le Ministre, le Directeur des sports, le Président de la Fécafoot et toute son équipe, les reporters de la CRTV, les espions et tous les agents de l’Etat qui pullulent dans l’entourage de notre sélection de football n’ont donc pas vu le combat à fleuret moucheté qui oppose les jeunes aux vieux ? N’ont-ils pas compris que des filles s’étaient installées dans des palaces périphériques et que dès le coup de minuit, certains de nos guerriers les y retrouvaient pour un repos mal mérité ?
Il y a plutôt lieu de penser que, comme ces autres dames qui tenaient les cordons de la bourse de Bidoung Mpkatt, tout ce beau monde était tellement occupé à écumer les souks et les bazars d’Hadrumète et de Monastir que nul ne s’intéressait vraiment ni aux Lions indomptables, ni à la compétition. A preuve, le spectacle grotesque donné par la délégation camerounaise à l’aéroport de Monastir à l’heure du départ. Il y avait des ballots de marchandises à perte de vue. Les douaniers tunisiens avaient fini par comprendre que des commerçants véreux s’étaient affublés de l’identité d’encadreurs sportifs pour contourner la législation des exportations et échapper au paiement de tonnes excédentaires.
Alors que Samuel Eto’o avait besoin d’un conseiller psychologique pour l’aider à surmonter sa scoumoune devant le but ; alors que Mboma avait besoin de quelqu’un pour l’aider à mieux digérer son exclusion et sa réintégration au sein de la sélection et que Kameni, Idrissou et Geremi, délestés de leur fortune par un curieux larron, avaient besoin de retrouver leur sérénité, des hommes et des femmes étaient pris en charge par l’État pour ne rien faire. Plus jamais cela !
Parmi ses visiteurs, Philippe Mbarga Mboa trouvera des hommes et des femmes d’expérience qui, dès demain, pourraient imprimer à la gestion des Lions indomptables, cette rigueur professionnelle dont dépend tellement le succès d’une formation telle que la nôtre dans une aventure difficile comme la Coupe du Monde. Il ne faut pas se leurrer. Le seul talent des athlètes ne suffit pas. Encore faut-il mettre en place toute une organisation professionnelle qui n’existe pas aujourd’hui. Outre l’équipe technique, le Ministre et ses collaborateurs à la direction de la Fécafoot, doivent former une équipe chargée des relations internationales, des matches amicaux et des contacts avec la presse, une équipe de logistique qui s’occupera des voyages, des visas et de l’hébergement, une équipe responsable de l’animation culturelle et sociale et d’organiser les mouvements des supporters et enfin, une vraie équipe médicale dirigée par des vrais spécialistes chevronnés en médecine sportive, de kinésithérapeutes et de diététiciens d’expérience.
Nos Lions sont de jeunes gens qui, pour la plupart, ont connu une enfance défavorisée et n’ont pas nécessairement eu les moyens de suivre une scolarisation formelle avancée. Les voyages effectués au gré des compétitions doivent constituer pour eux autant de possibilités d’apprendre. Il est regrettable que lors de leur séjour en Tunisie, personne dans leur encadrement n’ait songé à organiser pour les athlètes une visite guidée des cités antiques de Sousse, de Carthage, voire du Colisée d’El Jem qui se dressait pourtant majestueusement sur le bord du chemin qui les a conduits à Sfax où, comme les gladiateurs du monde antique qui y croisaient le fer, ils ont affronté victorieusement les Warriors du Zimbabwe. S’il y en avait eu dans la délégation, des animateurs culturels avisés auraient pu organiser ces visites guidées.
Dans ses contacts, Philippe Mbarga Mboa doit, en collaboration étroite avec la fédération, rechercher des hommes et des femmes susceptibles de mettre en place une organisation professionnelle sur le modèle décrit ci-dessus, sur laquelle puisse s’appuyer la sélection « new look » que nous appelons de tous nos vœux. Les différentes équipes devront être placées sous la supervision directe d’un directeur général des Lions indomptables qui serait le futur coach.
Dès lors, nous aurons parcouru davantage que la moitié du chemin qui mène à la victoire car c’est de cela qu’il s’agit, et de rien d’autre. Après le fantastique parcours des Lions de la Teranga en Corée-Japon 2002, les Lions indomptables ne doivent plus se contenter d’aller en phase finale de la Coupe du Monde pour en sortir sans gloire à l’issue du premier tour. Ils doivent se fixer comme objectif la conquête du trophée de la FIFA lui-même. Or, Comme nous l’enseigne le vieil adage populaire, qui veut aller loin ménage sa monture.
SANGA Titi, sanga@camfoot.com