L’ancien Lion indomptable était de passage au Cameroun dans le cadre d’une visite de dépistage de talent pour le compte de l’OGC Nice, club Français de ligue 1 où le Camerounais a evolué pendant 8 ans. Il a accepté de discuter pour nos internautes autour des thèmes tels que sa carrière, ses activités et surtout de son passage dans les Lions indomptables.
Mr Ndioro, c’est rare de vous voir au Cameroun ?
En effet. L’objet de ma visite au Cameroun après bien des années est que je suis recruteur pour l’OGC Nice, mon ancien club. Je suis responsable de l’Afrique et je sillonne le continent à la recherche de talent. J’ai déjà fait des missions au Ghana, au Bénin, au Togo, maintenant je viens dans mon pays pour essayer de trouver les jeunes talents pour l’OGC Nice.
Comment cela se passe-t-il ? de bonnes recrues en vue ?
J’ai vu pas mal de joueurs. Avant mon voyage, j’avais déjà des informations précises sur quelques joueurs. Je suis allé à Bafang voir le match Unisport contre Coton. Ce mercredi je vais voir le match Canon – Union. J’ai vu quelques matches amicaux des équipes qui préparent la Mtn Elite Two, malheureusement je n’ai pas de chance parce que le championnat Mtn Elite Two a été reporté au 20 décembre. J’ai vu certains joueurs ciblés à l’oeuvre, mais pas certains autres. Qu’à cela ne tienne, ce sera pour la prochaine fois.
Des talents vous ont-ils sauté aux yeux ?
J’ai vu des joueurs intéressants, par exemple Aboubakar Vincent qui joue à Coton Sport de Garoua qui a beaucoup de qualités. Un autre, un petit jeune joueur qui joue en Mtn Elite Two, Yaya Banana.
Quel sera la suite pour eux ?
J’essaie de bien faire comprendre aux gens que je ne suis pas agent de joueurs. Je suis recruteur. Mon travail c’est de repérer les jeunes talents et les dirigeants décideront de les faire venir à Nice où ils sont pris en charge à 100%. Ils seront formés, éduqués.
Je veux bien établir la différence parce que depuis que je suis au Cameroun, les appels sont constants. J’essaie de trouver un jeune comme j’ai trouvé un jeune Ghanéen à la coupe du monde en Corée, qui est entrain d’exploser à Nice qui a eu 18 ans en septembre dernier qui a signé son contrat professionnel et a fait des apparitions chez les professionnels. Vous savez pourquoi j’aime cette équipe de Nice ? parce que nous avons un entraîneur qui s’appelle Frédéric Antonetti, qui s’en fout de l’âge du joueur. S’il a des qualités, qu’il ait 18 ans ou 37 ans, c’est pareil. Mais, le joueur doit avoir les qualités. Je suis recruteur, quand je cible un joueur pour l’OGC Nice ce n’est pas un joueur qui sera abandonné là bas dans un pays sans papier. C’est un joueur qui sera pris en charge de A à Z qui aura un contrat, qui sera formé à Nice, et qui aura une carrière professionnelle.
Après avoir passé 8 ans à Nice comme joueur, aujourd’hui vous êtes recruteur. Est-ce une façon pour ce club français de vous récompenser ?
Non. Nice n’a pas à me récompenser. J’ai donné beaucoup à Nice, mais Nice aussi m’a beaucoup donné. Vous savez, depuis quelques années Nice a une superbe philosophie de travail d’ailleurs les résultats payent maintenant, C’est un club qui est vraiment en train de renaître de ses cendres parce qu’il y a de bons dirigeants. Le président Cohen, messieurs Ricort et Antonetti font du bon boulot et on reparle de Nice maintenant de façon très positive. Le club est sain, va bien, et c’est un club qui s’est vachement professionnalisé.
Vous avez joué avec Jules Bocandé dans cette équipe. Avez-vous gardé des contacts ?
Nous nous sommes vus à la Can au Ghana. On s’est littéralement tombé dans les bras l’un et l’autre parce qu’il ne savait pas que je venais. Après les déboires du Sénégal à la coupe d’Afrique, il veut se présenter aux élections pour le poste de président de la fédération Sénégalaise de football.
Vous aviez un formidable groupe à l’époque, notamment la paire Bocandé-Ndioro.
Les gens nous appréciaient. Nous avions une superbe équipe de football avec un entraîneur qui était un ancien avant centre, avec les Daniel Bravo, Roger Ricort, Milo Jelmas, Mario, René Marsiglia. On avait une équipe d’artistes.
On dit également qu’à cette époque Jules Bocandé et vous aimiez la vie ?
C’est vrai nous aimions la vie, j’aime encore la vie. Vous savez à l’époque nous étions jeunes, nous étions beau (rires), nous aimions la vie comme beaucoup de gens qui n’étaient pas africain – les français aussi aiment la vie. Nous étions les joueurs avec les rasta et à l’époque beaucoup de joueurs ne portaient pas les rasta, on nous voyait, on était des bons vivants, on aimait rigoler, on était près des gens. Jusqu’à aujourd’hui les gens nous aiment à Nice, les gens se rappellent de cette époque. On avait 25 ans aujourd’hui, on a 46 et on change forcement, tant mieux.
Bocandé a eu une carrière plutôt exceptionnelle sous le maillot du Sénégal, mais pas vous avec le Cameroun. Comment l’expliquez-vous ?
(Hésitations) C’est un des grands regrets que j’ai. C’est comme ça; c’est la vie. Peut être que s’il y avait eu un entraîneur dans les Lions qui ne soit pas rude peut être que j’aurais fait une grande carrière dans les Lions.
Comment avez-vous été sélectionné dans cette équipe du Cameroun ?
Je suis entré à l’équipe nationale la première fois en 1985 lors d’un tournoi de l’UDEAC au Gabon. J’avais fait le voyage de France avec son Excellence Roger Milla que je salut au passage. Roger Milla était mon idole quand j’étais jeune.
Vous partagiez d’ailleurs la même chambre en sélection…
Roger m’a toujours conseillé Parfois quand je faisais des bêtises, il m’engueulait. Roger c’est quelqu’un qui était très sérieux dans son métier, qui avait une conscience professionnelle extraordinaire. Il me disait plein de choses en plus il jouais attaquant comme moi. Les choses qu’il me disait m’ont beaucoup servi. Quand on est jeune et que les grands vous disent des choses, on est pas souvent attentif; mais un jour on comprend tout le sens.
Étiez-vous un de ses protégés ? Certaines sources disent qu’il vous aurait emmenés avec lui dans les Lions …
Non, je ne pense pas. Il n’avait rien à voir. Je pense qu’à l’époque c’est Claude Leroy qui m’avait sélectionné puisqu’il il me connaissait. Je jouais quand même en France en première division, donc j’étais quand même un client potentiel pour les Lions indomptables. À cette époque, tous les supporters pouvaient connaître la taille des chaussures des joueurs, combien ils avaient d’enfants, la voiture avec laquelle ils roulaient parce que nous n’étions pas très nombreux.
Comment êtes vous sorti de cette équipe nationale, est-ce que vous avez eu des explications ?
Je n’ai pas eu d’explications en fait. On ne m’a plus appelé et pourtant je continuais de briller en France. Je n’ai pas fait de lobbying ou crié. Je suis un garçon tranquille, je ne fais pas de politique. On ne m’a plus appelé, après ma vie à pris un autre sens. C’est un regret, mais on vit avec; ce n’est pas la fin du monde.
Est-ce que vous continuez tout de même à suivre l’actualité de cette équipe nationale ?
Bien évidemment; je suis un supporter des Lions, je suis toujours derrière les Lions dans les bons et les mauvais moments. Il y a beaucoup de talent dans cette équipe nationale. La coupe d’Afrique au Ghana avait mal débuté, elle s’est bien terminé.
Après la défaite au premier match, il n’y avait plus grand monde qui y croyait. Moi j’y croyais et les Lions se sont retrouvés en finale. Maintenant il y a 2010 avec la Can en Angola, et la coupe du monde en Afrique du Sud, je pense que le Cameroun va faire bonne figure dans ces deux compétitions.
Quel mauvais souvenir gardez-vous de votre carrière ?
C’est le fait de n’avoir pas eu une carrière consistante avec les Lions, surtout qu’à l’époque j’avais choisi le Cameroun par rapport à la France. J’avais fait le choix du cœur, je ne regrette pas ce choix bien sûr, mais j’aurais bien voulu faire la coupe du monde avec les Lions.
Comment vivez-vous votre après carrière ?
Je suis à Bali depuis 15 ans. J’ai une école de football pour les enfants, je voyage énormément, je fais aussi du cinéma, une expérience très sympa que je vais renouveler bientôt. Je m’occupe aussi de ma petite fille qui a 9 ans qui s’appelle Sanaga. Je passe cependant une bonne partie de mon temps dans les voyages, pour denicher les talents partout en Afrique.
C’est donc dire que vous avez réussi votre reconversion ?
Je ne savais pas qu’un jour j’allais être recruteur, que j’allais faire du cinéma. Dans la vie il y a des tournants qu’on prend et qu’on ne pensait pas prendre. Mais le plus important est d’être heureux, d’avoir des enfants en bonne santé, de pouvoir manger à sa faim, d’avoir un toit. Sachant qu’il y a des gens malheureux, on ne peut pas se plaindre de sa situation.
Il y a quelques années, la presse avait annoncé que vous aviez frôlé la mort à Bali. Que s’était-il passé ?
Vous vous rappelez des attentats en 2002 à Bali,qui avait fait plus de 200 victimes, j’étais à Bali et j’allais à l’ouverture d’un magasin de surf qui était juste en face du magasin de Pub qui a explosé. J’étais sur la route avec mon scooter quand il y a eu une explosion terrible. Les gens brûlaient, d’autres se sont fondus dans les voitures, c’était terrible. N’étant pas loin de la scène, je suis allé aider les blessés. Des journalistes m’ont interviewé et je leur ai dit ce qui s’est passé. Cependant, il y a des gens qui ont cru que j’étais mort. En plus, pendant quelques jours les réseaux de communications étaient soit coupés, soit saturé. On n’arrivait à joindre personne. Les gens qui m’appelaient et qui n’avaient pas de mes nouvelles ont pensé au pire. Dieu merci, je suis encore en vie.
Après cet incident vous n’avez pas eu envie de quitter Bali ?
Non, parce que si on quitte, ça veut dire qu’on donne envie aux gens qui ont fait cela de continuer. L’île a souffert mais après deux ans, la vie a repris son cours normal. Il faut continuer à vivre autrement.
Un dernier mot ?
Juste pour exprimer mon souhait de voir les Lions indomptables faire une grande coupe du monde en Afrique du Sud.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé