Son français parlé avec un fort accent germanique teinté de camerounais et ses coups de gueule homériques ont fait de l’Allemand Otto Pfister, doyen des techniciens présents au Ghana, l’une des attractions de la CAN-2008.
« Bougez avec le ballon. Non! Tirez. C’est bien. Mais pourquoi, vous ne jouez pas comme ça en match ? » On n’entend que lui et sa voix de stentor sur le terrain d’entraînement qui jouxte le stade de Tamale. A 70 ans, Pfister dirige d’une main de fer les séances des Lions indomptables et tout le monde, des joueurs jusqu’à l’encadrement, lui ‘’obéit au doigt et à l’œil ». Là où les sélectionneurs laissent souvent leurs adjoints préparer les exercices, lui veut tout contrôler, tout maîtriser et personne n’ose agir. Au risque d’ailleurs de l’épuisement.
Au bout d’une heure, le vieux technicien sent la fatigue le gagner et assis sur un banc, il donne ses directives, toujours avec la même fermeté, voire la même virulence.
Jamais avare d’un bon mot, l’Allemand n’est pas non plus du genre à servir un discours policé à la presse et chacune de ses sorties médiatiques est un prétexte pour cracher son venin sur tout ce qui bouge.
Dès l’arrivée de la délégation camerounaise à Tamale sans ses bagages, mardi, c’est l’organisation, qualifiée de « catastrophe totale », qui en a pris pour son grade.
Le lendemain, après la qualification de ses troupes pour les quarts de finale, il en a remis une couche sur le « olklore total » de cette CAN et « l’hôtel 5 étoiles » dans lequel logeaient les Ghanéens, tandis que lui et ses joueurs devaient se contenter d’une résidence universitaire « où les repas sont servis trop tard et les chambres pas prêtes ».
On aurait pourtant pu croire Pfister vacciné contre les aléas de la logistique “à l’africaine”, lui qui a passé 31 ans de sa vie professionnelle dans le continent, entraînant notamment le Rwanda, la Haute-Volta, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Zaïre, le Ghana, le Togo et plusieurs clubs de renom en Afrique (Zamalek, CS Sfaxien, Al Masry, Al Merriekh).
Mais visiblement pour lui, se plaindre est une seconde nature. Difficile toutefois de cerner la part de comédie et de vérité dans ses récriminations, devenues un spectacle quotidien. Au Mondial-2006, il avait claqué la porte de la sélection togolaise, estimant être incapable de travailler dans l’ambiance houleuse qui régnait autour des Eperviers, en conflit avec leur fédération pour des primes impayées.
Même quand il n’ouvre pas la bouche, ses faits et gestes sont suivis à la loupe, surtout au Ghana où il a officié à la tête des Black Stars durant six longues années (1989-1995). Une ONG ghanéenne lui a ainsi reproché d’avoir fumé avec ostentation durant la rencontre opposant le Cameroun à la Zambie, l’accusant de donner un « mauvais exemple aux jeunes en Afrique par son attitude négative ».
« C’est sa façon de travailler, sa façon d’être, relativise le “vieux” (31 ans) capitaine des Lions indomptables, Rigobert Song, qui, en sept participations à la CAN, a vu défiler de nombreux sélectionneurs. Pour nous, c’est un Africain. Les mots, les termes qu’il emploie, sa façon de se comporter… Le courant passe plus facilement. Il n’a qu’une seule envie : gagner son pari avec les autorités camerounaises ».
Imposé par le ministère des Sports camerounais, en octobre 2007, à une fédération réticente, Pfister connaît la loi du métier et sait qu’en cas d’échec face à la Tunisie, lundi en quarts de finale, il sera considéré comme l’unique responsable. Outre leur sélectionneur, les Lions indomptables perdraient également un “show- man” de talent.