Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On fait rendre gorge au farceur qui a filé avec le magot, on vire le ministre, on stigmatise le délabrement de toute la société camerounaise ou on pose gentiment à madame Emana la question suivante : « Ca va pas, la tête » ?
Passe encore qu’en cachette madame Emana demande la reconnaissance pécuniaire de l’État, mais qu’elle se répande sur la place publique, en pleurs, au motif qu’elle a été flouée de 300 000 francs, quel lamentable spectacle, quand même ! Mais surtout, quelle honte que nous fait la compagne d’un homme que nous avons connu et admiré et qui, de surcroît, est le père d’Achille !
Quoi ? Enterrer Marco Emana dans la dignité exigeait-il vraiment qu’on quémande l’assistance de l’Etat ? Peut-on croire que cet homme soit tombé dans une indigence telle que sa veuve soit obligée de faire la manche pour l’enterrer ?
Bien sûr que non. La méprisable approche faite auprès du MINSEP est symptomatique de la mentalité d’assisté permanent qui, en surplomb, colore les agissements des Camerounais de toutes les couches de la population. Alors, ni la honte, ni la réserve, ni une certaine idée de la dignité personnelle, ni un quant-à-soi que renforce généralement la douleur induite par la perte d’un être cher, rien de cela ne nous arrête, rien de tout cela ne freine notre détestable gourmandise.
Avec ces 300 000 francs, une misère donc, M. Zoah reconnaît que l’État ne doit rien à M. Emana. Il aurait dû les sortir de sa propre poche, parce qu’il n’a aucun droit de dépenser des ressources publiques pour ce genre de niaiserie. Mais au fond, peu importe vraiment. Le MINSEP a sans doute cru bien faire. Ce qu’il y a à dire ici, c’est que la ridicule démarche de Mme Emana rend la perte de Marco encore plus insupportable parce que cet homme que nous avons connu, digne, réservé et fier, ne se serait jamais ridiculisé jusqu’à ce point.