Jean Amadou Tigana, né à Bamako, réussira-t-il à étendre l’hégémonie des descendants de Naré Maghann Konaté au-delà de l’Oubangui-Chari ? Un enfant du désert élevé à Monaco, entraîneur des Lions ? Est-ce possible et souhaitable ?
Si l’on donne un certain crédit à la rumeur qui secoue le landerneau depuis quelques jours, Thierry Augustin Edjoa et Mohammed Iya vont réussir ce que Sundiata Keita, le fondateur de l’Empire du Mandingue au XIIIe siècle, n’a jamais pu réaliser. La furia annexionniste du grand empereur, quelque vertigineuse qu’elle ait été, n’a jamais dépassé les limites du Sahel actuel. Les guerriers malinkés et bambaras se sont certes baignés dans les eaux de l’Atlantique sur les plages de Mauritanie, du Sénégal et de Guinée, mais leur ardeur s’est émoussée une fois en face des forêts ivoiriennes. Les Malinkés ne sont pas gens de la forêt.
Vous allez me dire : nous avons déjà eu des bataves, un slave, quelques gaulois, un lusitanien, pourquoi pas un malinké ? Et, de surcroît, pour une fois, un entraîneur dont le bilan n’est pas piqué de hannetons. Car il faut bien l’admettre, Jean Tigana n’est pas, comme on dit au Québec, un deux de pique et, si la rumeur se confirmait, il deviendrait sans doute le premier entraîneur des Lions présentant un profil exemplaire.
Footballeur au talent exceptionnel, élégant et travailleur, Tigana a rapidement connu le succès à la direction de grandes équipes professionnelles. Lyon, mais surtout AS Monaco, qu’il a conduite à la consécration française en 1997 et à la demi-finale de la Ligue des champions en 1998. Fulham, qu’il a fait monter à la première division anglaise à force d’ingéniosité, de patience et de travail, Besiktas, qui gagnera la coupe de Turquie en 2006 et 2007.
Un élément important de la carrière d’entraîneur de Tigana, et qui est de nature à susciter un espoir légitime chez nous, est le don qu’il a montré, surtout à Monaco, d’exploiter l’expérience de vétérans et l’apport de jeunes. Nous sommes particulièrement sensibles à la façon dont il a su utiliser Fabien Barthez et Enzo Scifo, de véritables icônes à l’époque, pour lancer David Trézéguet et Thierry Henry.
Un autre élément, sans doute aussi important que le premier, est le fait que Tigana, ulcéré par le non-respect de certaines clauses de son contrat par les dirigeants de Besiktas, a démissionné cette année de son poste. Cela n’avait rien à voir avec le non-paiement de son salaire, plutôt avec des principes fondamentaux liés à la réalisation de sa mission d’encadrement de l’équipe. C’est rassurant.
Alors, viendra, viendra pas ? Peu importe, vraiment. Je ne crois pas que Tigana ait été approché ou qu’il ait spontanément posé sa candidature. Il n’acceptera pas, car ce n’est pas dans sa culture du football, d’être à la fois DTN et sélectionneur. De plus, quelque excitante que soit la perspective de diriger les Lions, Tigana est sans doute au courant de toutes les avanies qui ont été infligées aux autres encadreurs par les autorités camerounaises. Je ne pense pas qu’il ait besoin d’un travail à n’importe quel prix.
Les rumeurs comme celle-ci naissent de la fausse idée que les candidats nationaux sont hors-jeu. Je ne crois pas que M. Edjoa, qui seul a un droit de veto que lui confère son rôle de payeur de salaire, ait définitivement écarté les candidats camerounais. Ce que je crois, c’est que M. Edjoa, contrairement aux lamentables ministres qui l’ont précédé, est un fin politique qui sait qu’il n’est rien sans son parti. M. Edjoa est un apparatchik du RDPC et il doit, à cet égard, s’assurer qu’aucune facette de l’activité de son ministère n’échappe à l’influence exclusive de son parti.
Tigana ou n’importe quel vulgaire entraîneur belge ou français ne sera sélectionneur des Lions que si ni Bell, ni Akono, ni Bahoken, ni Omam, ni Kaham… ne réussissent à plaire au RDPC. L’agrément d’un sélectionneur étranger sera donc nécessairement un recrutement par défaut.