Comme vous vous en doutez, je ne suis pas Samuel Eto’o. Je sais peut-être tourner une phrase, mais en toute honnêteté, je ne sais pas tourner le ballon. J’ai un autre défaut que ne semble pas avoir M. Eto’o. Lorsque je mets 200 millions dans une affaire, je vous le dis clairement, il ne faut pas me chercher. Parce que si on me cherche, on me trouve et je deviens mauvais. Très sauvage même, permettez-moi de singer l’ambassadeur.
Comme tout le monde, j’ai suivi l’entretien donné par M. Eto’o devant sa cour assemblée autour d’un modérateur blanc et de nombreux courtisans appelés pour applaudir et lancer des youyous. J’ai entendu M. Eto’o dire distinctement qu’il a donné 200 millions et j’ai attendu, pendant tout son monologue, qu’il se fâche, qu’il menace ou qu’il demande des comptes. Rien. Toujours ses belles dents dehors, jamais un mot plus haut qu’un autre, urbanité, politesse. Cet homme est extraordinaire. 200 millions, sans s’émouvoir le moindrement ?
Et je ne parle pas des montres, parce que vous savez bien que c’est deux choses différentes. D’ailleurs la moindre montre venant de M. Eto’o vaut au bas mot 30 millions. On ne va quand même pas penser que moins de dix personnes parmi la vingtaine de joueurs ont bénéficié de la munificence légendaire de M. Eto’o. En fait, on est en droit de penser ici que les 200 millions représentent au mieux de l’argent de poche et au pire un paiement contre une faveur promise et obtenue.
Encore une fois, M. Eto’o n’est pas moi. Mais au fond, il ne doit pas être très différent de moi et de tous mes lecteurs. On ne dépense pas 200 millions sans savoir à quelles fins et sans savoir à qui une telle somme était destinée. Comme il ne veut pas le dire et surtout comme aucun de ses journalistes invités n’a eu le front de le lui demander, nous demandons humblement à M. Eto’o de nous dire à qui il a remis ces sous et pourquoi. Et aussi, en passant, s’il a obtenu la faveur qu’il cherchait.
Pour l’aider, procédons par élimination. M. Abdouraman, qui donne habituellement de l’urticaire à l’ambassadeur, n’y est pour rien. Je connais Hamadou : s’il avait eu 200 millions, je crois qu’il m’aurait appelé pour fêter. M. Zoah ne peut pas aller chercher des poux dans le beau chignon de Madame Betala pour ce coup-ci, quand même ! Le MINSEP lui-même semble largement hors de cause, surtout qu’on est très loin des insignifiants 15 millions de l’affaire Noah du temps du prince du Plateau Atemengue. Les MINSEP, après tout, ne visent pas tellement haut. Linus Fouda est évidemment innocent ; il se préparait à surveiller les rigoleurs sur le banc de touche. Ce qui se passe dans les coulisses ne l’a jamais intéressé de toutes les façons.
Il reste deux pistes plus ou moins intéressantes. On peut bien demander à M. Mveng s’il a eu vent de quelque chose. Il répondra sans doute que M. Biya est le président du Cameroun. Laissons donc l’apothicaire à ses éprouvettes. Il reste M. Tombi A Roko, le secrétaire général de notre Fédération, qui n’est quand même pas une mauvaise source d’information et qui se trouve depuis un certain temps dans une situation particulière.
Impécunieux, fauché, indigent ou peut-être juste radin, le SG fait déshabiller les joueurs dans les aéroports, compte les maillots, loue une cour d’école pour l’entraînement d’une délégation étrangère dont il a la charge, loge cette délégation dans un « palace » de quartier et laisse payer la note par quelqu’un d’autre. M. Tombi A Roko a de l’avenir : il connaît le blé. Il peut parler.