Samedi soir, pendant la finale de la Coupe de la Ligue, trois buts ont été marqués par l’OM pour assurer sa victoire. Mathieu Valbuena, grâce à son entrée décisive, a été élu « Homme du match ». Mais le joueur qui a crevé l’écran et reçu le compliment unanime des commentateurs de France 3, c’est Stéphane Mbia. Eloges mérités, car la prestation du jeune Camerounais en défense centrale a été simplement phénoménale.
On a pris l’habitude de considérer que, sur un terrain de football, il y a des artistes qui brillent, et puis des artisans qui besognent. Il suffit de regarder le palmarès des récompenses individuelles pour constater que les joueurs offensifs, ceux qui dribblent et ceux qui marquent, trustent la quasi-totalité des ballons d’or de toutes versions et de tous les temps. Je refuse volontairement de citer l’exception Cannavaro, qui de toute façon fut une honteuse imposture en 2006. Seuls les gardiens de buts arrivent à grignoter quelques titres. Mais là encore, ils bénéficient de leur proximité conflictuelle avec les attaquants adverses : ils assurent aussi le spectacle, et ceux qui ont vu à l’œuvre Thomas Nkono, « l’Araignée noire », les années où il remporta ses titres africains ne me démentiront pas.
Pour m’en revenir à Stéphane Mbia, s’il s’est révélé comme milieu récupérateur, ce joueur est utilisé actuellement par Didier Deschamps en défense centrale. Il est donc passé d’un poste d’artisan semi-artiste à un rôle d’artisan tout court, raison pour laquelle mon jeune compatriote rue dans les brancards et affiche partout sa mauvaise humeur. Il n’a pas hésité à qualifier de « sacrifice » sa reconversion, qui n’est pourtant pas inédite, puisque Guy Lacombe, à Rennes, l’avait déjà utilisé de la même façon. Or, Mbia s’est même permis une sortie médiatique pour exprimer son impatience et son agacement : « Je me sens mal à l’aise en défense centrale. Pour l’instant, je suis au service de l’équipe mais ça commence à bien faire. Je ne peux pas m’exprimer à ce poste-là, je ne joue pas, je ne fais rien du tout ». (La Provence, lundi 15 mars 2010)
La réponse du coach de l’OM ne s’est pas faite attendre : « Il n’a pas à tenir ce discours avec moi. Si ça peut vous rassurer, et s’il y tient, je vais lui trouver une place et tout de suite : il va être titulaire à côté de moi », a confié « La Desch » aux journalistes. S’en est suivi un joli buzz médiatique comme la presse et l’internet les aiment… Et Mbia demeura défenseur central. Il est même à parier qu’il le restera jusqu’à la fin de la saison.
En effet, et je le dis sans ambages : Stéphane Mbia est de loin meilleur défenseur que milieu de terrain. Sa technique, son intelligence et sa puissance athlétique font de lui un joueur quasi impossible à passer en un contre un. A l’OM, son association avec Diawara fait merveille, tant les deux joueurs sont complémentaires. De toute façon, c’est simple : pour qu’un défenseur attire à ce point l’attention des commentateurs, il faut qu’il soit vraiment un cran au-dessus du niveau attendu. En ce qui me concerne, ma religion est faite : fort de ce que j’ai vu hier, je commence à caresser le rêve d’un tandem Nkoulou-Mbia en défense centrale de l’équipe nationale.
Pourtant…
Pourtant, si d’un côté, les observateurs constatent que Stéphane Mbia est meilleur à l’arrière qu’à la récupération, l’intéressé s’obstine à croire qu’il est né pour être milieu de terrain. Pour l’instant, le score est Stéphane Mbia 0 – Reste du monde 1. Mais le match n’est pas terminé, et le jeune Lion Indomptable n’a pas dit son dernier mot. On sait pourtant qu’il regarde les vidéos de tous ses matches. On a aussi vu qu’il prend beaucoup de plaisir à jouer en défense centrale, faute de quoi il ne serait simplement pas aussi performant.
Il serait donc temps qu’il arrête seul de nier une réalité constatée par tous. D’autant que la donne change : le football évolue constamment vers un modèle « intégré », dans lequel les rôles ne sont plus figés comme avant. La révolution qui a commencé sur les côtés est en train de gagner tous les compartiments de jeu : il faut désormais pouvoir jouer un rôle et couvrir un espace, au lieu d’occuper simplement un poste, comme on le faisait pendant la préhistoire du football. Le spectacle est donc partout, et un équilibre est en train de s’installer entre les postes dits « ingrats » et les rôles plus offensifs.
Finalement, cher Stéphane, il semble que dans une carrière de footballeur, pour avancer il faut parfois reculer d’un cran.