Le zapping des nombreuses chaînes de télévision captées au Cameroun, par abonnement sur un réseau câblé, avait quelque chose de surréaliste hier, jeudi 7 août 2008. Les supporters de l’équipe du Cameroun de football des moins de 23 ans qualifiée aux Jeux olympiques de Beijing, toutes activités cessantes, étaient attroupés devant le petit écran. Ils attendaient de regarder le match Cameroun-Corée du Sud comptant pour le premier tour du tournoi olympique 2008 dans le groupe D. Ils ont dû déchanter !
Il faut dire que la télévision nationale, la Crtv, leur avait mis de l’eau à la bouche en décorant un plateau comme c’est très souvent le cas avant la diffusion d’un match international en direct, avec co-présentateurs tirés à quatre épingles, invités et autres consultants enthousiastes. Et puis, à l’heure indiquée pour le début du match, 12h45mn à Yaoundé, c’est Nigeria-Hollande qui était servi aux téléspectateurs de la Crtv. Sur le bouquet francophone des chaînes câblées, Canal+ Sport diffusait Argentine-Côte d’Ivoire, tandis que Eurosport proposait aussi Nigeria-Hollande. Seuls les abonnés du bouquet anglophone Multichoice disposant de la chaîne sud-africaine Supersport 6 (la plupart des abonnés au Cameroun ont uniquement accès à Supersport 3) ont eu le privilège de voir ce match de football entre équipes olympiques de Corée du Sud et du Cameroun, lequel s’est finalement soldé par un score de parité (1-1).
On attendra encore les prochaines rencontres pour avoir une opinion sur cette jeune formation entraînée par Martin Ndtoungou Mpilé. En attendant, faisons un arrêt sur la retransmission télévisée manquée de la rentrée internationale des Lions indomptables espoirs. La télévision nationale à capitaux publics, qui devait bien dire quelque chose à ses téléspectateurs grugés pour tenter d’expliquer son énième impair, a évoqué une défaillance du satellite. Les explications très techniques sont souvent faciles à donner, surtout à l’adresse des fans du foot qui n’y comprennent que dalle et veulent simplement regarder leur équipe jouer. On s’étonnera quand même que le fameux satellite n’ait choisi de fausser compagnie qu’à la télévision publique du Cameroun, sur le match Cameroun-Corée du Sud qui a été diffusé par ailleurs…
Et cela commence à bien faire, dans l’armoire à embrouilles sur la diffusion des matches de football par la Crtv. On se souvient que le Premier ministre avait dû convoquer une réunion de crise la veille du dernier match des Lions indomptables à Yaoundé contre la Tanzanie, le 21 juin 2008. La raison ? La chaîne privée locale Stv avait tout simplement devancé la chaîne publique dans l’acquisition des droits de retransmission des matches des Lions indomptables comptant pour les éliminatoires couplées Coupe du monde – Coupe d’Afrique des nations 2010. Le chef du gouvernement dut alors convoquer la « souveraineté » de l’Etat pour permettre, de justesse, un rattrapage de la Crtv. Mais depuis lors, il y a eu le premier match de la phase de poules de la Champions League africaine de Cotonsport à Garoua, que la Crtv n’a pas pu diffuser, là où aucune chaîne nationale privée n’était entrée en concurrence avec elle. Voici également venus les jeux Olympiques où la chaîne publique a toute la latitude d’exercer la fameuse « souveraineté » de l’Etat, si souvent brandie par les tenants du pouvoir quand ils n’ont plus d’autres arguments à faire valoir.
Et d’entrée de jeu, c’est un gros couac. Plus grave, même à la radio, les citoyens camerounais qui paient une redevance audiovisuelle forcée au profit de la seule Crtv, malgré la pluralité médiatique qui a été instituée dans le pays depuis avril 2000, n’ont pas eu droit au reportage en direct du match de leur équipe nationale olympique de football. C’est une grande première, qui traduit à suffisance la situation particulière de notre pays qui ne cesse de faire des bonds en…arrière, et dans tous les domaines. Surtout dans le domaine de l’audiovisuel public, qui tenait encore il y a quelque temps, dans la diffusion en live du football et notamment des matches des équipes nationales du Cameroun, la dernière soupape de fierté pour tenir tête face à une rude concurrence nationale et internationale, manifestement plus professionnelle, plus offensive et moins engluée dans un archaïsme protocolaire.
Emmanuel Gustave Samnick