Un peu comme pour réparer l’imposture jouée devant les camerounais à travers l’improbable contrat de Denis Lavagne, voilà que le match piège de Sfax entre la Libye et le Cameroun, moins d’une semaine après, se charge de nous renvoyer au visage, la vraie réalité du football camerounais. Celle d’une décadence prononcée, outrageusement déniée par les pouvoirs publics qui à tous les coups, privilégient le paraître à l’être et l’esbroufe au sérieux. Imparable coup de semonce sur des certitudes malheureusement assises sur l’improvisation.
Face à la république démocratique du Congo et sur une chanceuse victoire d’un but à zéro, on avait entendu Denis Lavagne oser des mots. Relayé même en cela par quelques compatriotes qui croient avoir le monopole du patriotisme et ne manquent jamais d’appeler à la damnation pour qui refuse de partager leur fol enthousiasme. Cet entraîneur qui prétend ne lire ni suivre les ragots des journalistes locaux, savait pourtant assure-t-il, que des haines s’étaient cristallisées sur sa personne et que de ce fait, nombre de camerounais aussi paradoxal que cela puisse paraître, en était à souhaiter la défaite de leur sélection nationale. Dieu merci! pour cette fois-là, la mise était sauvée et les lendemains s’annonçaient quelque peu chanteurs. Le groupe était de valeur et l’on pouvait se permettre de rêver. Seulement, il y a même comme on veut l’oublier, beaucoup de non dits autour de cette équipe: sa préparation dans des conditions calamiteuses, l’ambiance pas toujours assainie au sein de la tanière, des cafouillages administratifs dans sa gestion et ne nous le cachons pas, une réelle crise d’autorité tant entre les joueurs qu’à l’égard de celui appelé à les coacher.
Ce cocktail de maux qu’apparemment personne ne veut guérir et sur lesquels on a pris un malin plaisir à surfer grâce à des succès anesthésiants, constitue la pomme de discorde entre les tenants fanatisés de la victoire coûte que vaille qu’importe les problèmes et ceux plus lucides qui pensent qu’on peut en résolvant lesdits problèmes, donner une dimension autrement plus grande aux Lions indomptables. Même ceux qui jouent au Cassandre en souhaitant des défaites à l’équipe nationale, le font par dépit. C’est par un fort amour contrarié qu’ils le font. D’avoir à subir les errements de nos plénipotentiaires parce que quelque part il manque une inadmissible volonté de les placer dans les conditions idoines pour réussir et donner le meilleur d’eux-mêmes, finit par révolter et pour cela, ils ne sont pas blâmables. Car après tout leur finalité recherchée c’est de voir briller leur équipe nationale.
Et quoi pour la suite?
Le spectre de cette défaite attendue ces derniers temps, est enfin apparu. Il survient face à une indigente formation libyenne (non en argent et moyens bien sûr mais plutôt en palmarès, en hommes et en ambition) qu’on avait les moyens de plier à notre domination. Preuve s’il en est que la roue peut tourner au moment où l’on s’y attend le moins et la providence, pas une exclusivité au service des camerounais. Dans ce match au cours duquel on croyait s’acheminer tristement vers un résultat de parité et qui aurait une fois de plus arranger les petits calculs et affaires de quelques uns, il y avait en fond de chaque camerounais bercé des exploits passés de notre grandeur, des sentiments troubles de malaise, de honte et d’une certaine inacceptation des faits. Même de voir à l’allure où cela se passait sur le terrain quelques officiels se préparer à s’accommoder d’un non résultat et sans doute à en bonifier certains aspects sous le prétexte qu’il est difficile de faire du résultat à l’extérieur, relevait d’un crève-cœur. Seul un résultat de conquête était de mise dans ce match. Les excuses et autres savantes supputations que nous avons pour tuer les vraies interrogations ne sont que le mauvais somnifère que nous nous administrons pour ne pas prendre au sérieux, la décadence prononcée de notre football. Sans qu’on sache quel discours a été tenu à nos troupes, il importait au regard du statut des Lions, de vaincre pour se faire respecter. Mais aussi pour rassurer et peut-être rallier à sa cause aujourd’hui sujette à polémique, la sympathie toujours vivace des camerounais, rudement éprouvés par des résultats glanés au petit bonheur la chance.
Pour salvatrice, cette défaite l’est à plus d’un titre. Elle survient à un moment où tout peut encore être remis à plat et nos chances pas du tout compromises. Après le caillassage du bus malgré une victoire la dernière fois, à quoi faut-il s’attendre suite à l’échec de Sfax? L’urgence à dire vrai, c’est qu’un message fort des pouvoirs publics soit envoyé aux différents dirigeants du football national. Message qui irait dans le sens d’une prise en compte des préoccupations qui se sont érigées et exprimées ici et là. Et Dieu seul sait qu’elles sont nombreuses. Au moins, comprendrait-on au sein des inconditionnels de l’équipe nationale que sont les camerounais, qu’enfin il y a un réveil salvateur et cette équipe, plus l’otage de quelque lobby que ce soit.