Si vous êtes retenu en sélection nationale, vous allez être sanctionné. Qu’on se le dise ! Le Règlement intérieur des sélections nationales émis par la Fécafoot ne fait pas rire. Ce qui n’empêche quand même pas, lorsqu’on l’examine avec un peu de rigueur, de rouler par terre. En émettant cette risible bafouille lourde de menaces, la Fédération camerounaise de football, peu soucieuse d’amener le footballeur à adapter son comportement à l’évolution de la société actuelle et du jeu de football, lance plutôt une mise en garde générale à toutes les fortes têtes qui oseraient, par leur comportement, défriser le blason des membres de la Fédération ou du gouvernement camerounais. Gare à vous donc si vous êtes appelé en sélection nationale !
Ce fameux règlement compte douze pages. Les termes « membre du gouvernement et membre de la Fédération camerounaise de football » reviennent dix fois. On comprend très vite que c’est à leur gloire que ce document a été conçu et que l’objectif non avoué est d’étouffer par des menaces toute velléité de contestation de l’autorité établie. Le fiasco de la Coupe du monde est certainement attribuable au manque de respect et à l’absence de loyauté manifestés à l’égard des membres du gouvernement.
Il est navrant de constater le degré de légèreté avec lequel fonctionnent nos institutions et la morgue avec laquelle leurs dirigeants considèrent l’exercice d’un pouvoir qui les enivre. Peu de grandes nations disposent d’un règlement intérieur propre aux sélections nationales. Le code d’éthique ou le règlement intérieur des fédérations de football s’appliquent à tous les aspects et à tous les niveaux de la pratique de ce sport. On eût pensé qu’en confectionnant un règlement uniquement à l’intention des membres des sélections nationales la Fécafoot allait mettre le sérieux qu’il faut à la formulation d’un guide visant à guérir un mal bien identifié.
Mais non. Cela aurait été évidemment trop compliqué et aurait certainement accaparé trop de temps à des gens très occupés à recruter le premier has been venu ou à voyager à travers le monde. L’important n’était pas d’aller au fond des choses et de réfléchir, mais plutôt de donner l’impression de faire quelque chose et, pourquoi pas, d’attribuer l’opprobre de l’échec au comportement des joueurs.
Alors, pour garantir les victoires futures, la solution est vite trouvée : tous les sélectionnés doivent manifester une loyauté sans faille aux membres du gouvernement et aux membres de la Fécafoot. Noir sur blanc, Article 8. Il n’existe pourtant aucune loi au Cameroun qui astreint les Camerounais à une quelconque loyauté envers les membres du gouvernement ou encore à quelque membre d’une institution nationale. Pourquoi les footballeurs seraient-ils logés à une autre enseigne ? En quoi la loyauté du footballeur envers la Fécafoot et le gouvernement fait-elle avancer le foot ?
Et puis, en passant, de quel droit une quelconque loyauté serait-elle due à ces gens ? Loyauté envers la Fécafoot qui ne se considère pas obligée de nous rendre compte après un fiasco comme la Coupe du monde ? Envers les membres du Comité exécutif qui reçoivent un salaire au mépris de tous les textes ? Envers M. Mveng qui n’a que le nom de M. Biya comme seule défense pour le choix de has been qu’il fait depuis des années? Ou envers un autre vice-président qui fait pipi au stade à Bafoussam ? Loyauté envers un ministre qui garde des lingots d’or dans les tiroirs de son bureau sans le savoir ? Ou qui autorise que des fonctionnaires dûment payés par la fonction publique reçoivent des primes stratosphériques parce qu’ils accompagnent l’équipe nationale ?
Mais c’est à mourir de rire ! M. Iya sait-il que tous les Camerounais se paient copieusement la tête de tous les membres de son institution et de tous les membres du gouvernement sans crainte de quelque sanction que ce soit ? Et que cela devrait être encouragé ?
Pour continuer de rigoler, je pourrais vous signaler les articles 13, 14 et 15 où en gros il est interdit à tout sélectionné de taper ou de cracher sur un membre du gouvernement ou de la Fécafoot et, en passant, sur les officiels de matchs et les spectateurs. La bonne nouvelle ici pour les sélectionnés est qu’ils peuvent donc taper sur les journalistes, les agriculteurs, les ramasseurs de balles, le neveu de l’évêque de Mbalmayo, le portier du stade et, pourquoi pas, le maire de Douala V.
Mais dépêchez-vous d’aller à l’article 20. Tout est interdit sauf si c’est autorisé. Ne riez surtout pas !
Que dire au président de la Fécafoot ? Que le socle de la conduite du footballeur a deux piliers : la règle et le respect. Le reste n’est rien. Il n’y a de loyauté qu’au regard de la règle ; c’est la seule loyauté qui est demandée des footballeurs. Le respect, Monsieur le Président, le respect de soi et le respect de l’adversaire, est le seul ingrédient de l’esprit sportif. C’est le respect qui fait qu’un joueur soit modeste dans la victoire et qu’il accepte la défaite sans rancœur. Il n’y a rien d’autre à demander.