SIPANDANG (Babimbi-Ouest), 7 août. – Il ne faut pas toujours croire la rumeur. Le bruit a couru, depuis un bon mois, que j’étais perdu, que je m’étais tout simplement inscrit aux abonnés absents sans dire quoi que ce soit à qui que ce soit.
D’après certaines mauvaises langues, les dirigeants de CAMFOOT, ulcérés, auraient même lancé une fatwa sur moi. En tout cas, si je suis perdu pour CAMFOOT, je peux vous rassurer que je ne suis pas perdu pour tout le monde. Sous couleur d’excuse auprès de mes lecteurs, je dirais simplement que le pont de fortune qui permet de traverser la rivière Ihem, entre SongMassing et l’ancienne cuisine de ma mère, a été emporté par le torrent. On ne passe plus.
Cela dit, l’ordinateur en bandoulière et le baise-en-ville bien en main, j’avais quitté Tunis avec les meilleures intentions du monde. Cap sur Bipindi-Lolodorf, pour trouver des éléments de réponse à la question suivante, qui hante certains de mes lecteurs depuis toujours : comment se fait-il qu’aucun joueur de foot n’ait jamais vu le jour dans cette localité ?
Arrivé à Douala, il est bien entendu arrivé ce qui m’arrive souvent. La curiosité m’a détourné de mon but. On annonçait la présence, au Georges V, la boîte en vogue de la ville, d’une de nos gloires venant de Turquie ou d’ailleurs, je ne me rappelle plus. J’y ai passé toute la nuit, mais je n’ai rencontré personne. Il faut dire que je suis sans doute le seul scribe du foot qui ne connaît pratiquement aucun footballeur. Mais je connais la mère de SEF et la maison de la grand’mère, en sortant de SongMbengué direction Ngambé. Je serais toutefois bien incapable de reconnaître Mandjeck, pourtant digne fils de Ngambé, dont le clubhouse du fan club a pignon sur rue chez nous, même s’il est coiffé correctement.
Depuis cette nuit, rien. Honnêtement, je n’ai rien fait de bon depuis plus d’un mois. Si on exclut cette fameuse nuit, chez Martin Camus Mimb, où j’ai fait de la figuration et servi de punching-ball à Frank Happi, je n’ai fait que traîner dans les bars et les restaurants de Douala à Yaoundé. J’ai quand même passé un petit moment à épier d‘un œil un match des Lionceaux que j’ai vite oublié et puis, je me rappelle avoir mangé des prunes avec du manioc braisé sur un trottoir d’Edéa avec Benjamin Massing. C’est quand même pas rien, non ? C’est le foot ou je me trompe ?
Et puis, zut, c’est de ma faute s’il n’y avait rien à dire sur le foot ? Je l’admets, une fois au Cameroun, j’ai vite fait d’oublier Lolodorf et le football gnangnan et je me suis laissé emporter par l’amour. Je me doutais bien qu’il y avait une vie au-delà du foot, mais je ne savais pas que la révélation serait aussi éclatante et aussi impétueuse. Je vais vous faire un aveu : depuis un mois, je baigne dans la poésie de l’amour, entre le très chic hôtel Résidence Papyrus, Club Sonel à Essos, 15 000 francs la nuitée avec vue sur le Stade Omnisports, ma connexion permanente avec le foot, et le Casino de Libreville, dès le 21 janvier.
Le pied, je ne vous dis pas. Mais un vrai cauchemar aussi, parce que l’amour à Libreville, à l’hôtel Hibiscus, à la Sablière, quartier super chic qui abrite entre autres le fils Bongo, il faut aussi compter 60 000 francs la nuitée. Pour un aide-maman à peine plus recommandable que l’hôtel Mfandena, 9 500 francs la chambre VIP, où j’ai mes habitudes. C’est comme ça que le site de référence m’a retrouvé.
Je suis, j’en conviens, le scribe le plus impécunieux de la maison. La note de l’hôtel grossissant, j’ai dû appeler au secours, et le WU est arrivé. Après tout, la maison a quand même sa dignité ! Mais si j’ai accepté et promis de m’amender et de revenir à de meilleurs sentiments, la queue pratiquement entre les jambes passez-moi l’expression, c’est parce que j’ai bon espoir, avec votre aide, d’amener CAMFOOT à me confier l’animation d’une nouvelle rubrique consacrée à l’amour, à la beauté et à l’intelligence.
De toutes les façons, veut veut pas, le foot est fini au pays pour au moins les quinze prochaines années. Plus vite on se préparera à gérer la jachère footballistique, mieux et plus vite on formera le corps et surtout l’esprit de la nouvelle génération des Lions de l’amour. Nos conquêtes sur le gazon ne seront de plus en plus que de petits souvenirs qui sont appelés à s’estomper totalement à terme. Nous devons impérativement trouver un nouveau terrain. Tonyè Mbock a été le père des Lions indomptables, déclarés cérébralement morts à 35 ans. CAMFOOT doit devenir le père fondateur des mujahidines de l’amour, les nouveaux Lions de l’édredon, les fédayines du mimi mouillé qui, je le crois, auront plus longue vie au top niveau que les pousse-pions qui nous désespèrent depuis trop longtemps.
Enfin, ce n’est pas moi qui décide… Mais, comme de toutes les façons on me paie que j’assiste dans la douleur à un match des Lions ou que je me perde dans le quartier des Charbonnages à Libreville, je suis tranquille. J’irai enquêter à Bipindi la prochaine fois, mais d’un cœur sec et d’une plume hésitante. Scribe du foot, quelle sacrée occupation quand même !