Je le confesse volontiers, un certain soir de l’été 1990 à Ottawa, après cette fameuse victoire contre les Colombiens, le roi n’était pas mon cousin ! Roger Milla, que j’avais connu et fréquenté sur les terrains vagues de Douala, m’avait mis en haut, comme on dit si bien. Je ne pensais pas que vingt ans plus tard, j’en arriverais à détester cet accident vertueux de l’histoire du foot qui continue de faire croire à M. Milla que tout lui est dû et à une bonne partie de l’opinion camerounaise que notre pays est installé pour la vie au pinacle du hit-parade des nations de foot.
Un malheur n’arrivant jamais seul chez nous, le « chef de l’entreprise Cameroun » s’est toqué de Roger Milla et en a fait, pour notre plaisir sans doute, Ambassadeur du Cameroun. Ce n’est pas la première fois que le chef se trompe ; ce ne sera sans doute pas la dernière. Ne lui en voulons donc pas pour si peu. Le malheur, la malédiction plutôt, qui nous poursuit ne pas être le fait d’une seule personne.
Ceux que M. Milla étonne ne le connaissent pas. Moi, si. On a eu 15 ans ensemble, il était déjà extraordinaire, et je n’ai plus jamais vu un autre footballeur aussi habile balle au pied. Mais j’ai vu peu de footballeurs aussi fats et aussi peu courtois envers leurs coéquipiers. Jamais de bon mot pour les autres, jamais il a reconnu en public l’apport de ses coéquipiers, jamais il ne les a remerciés, comme il est de coutume. Et presque tous ses anciens coéquipiers lui en ont voulu.
Rappelez-vous cette fameuse Coupe du monde de 1990. Rappelez-vous les Mbouh et Makanaky, qui se tuaient au travail, rappelez-vous les Kana-Biyick et Benjamin Massing qui acceptaient de se ridiculiser à la face du monde entier pour tenir à tout prix, rappelez-vous l’abnégation des Nkono, Omam, Kundé, pour ne citer que ceux-là.
Tous lui en ont voulu et beaucoup lui en veulent encore. Le traitement qu’ils lui ont réservé en 1994, devant moi à Oxnard, en Californie, m’a beaucoup chagriné. Ostracisé alors qu’il aurait dû être au centre de toutes les attentions, dispensant conseils et encouragements, M. Milla a bien goûté les fruits amers de tout ce qu’il a semé toute sa vie de footballeur durant.
Maintenant drapé dans des oripeaux de pair de la République, nimbé d’une gloire qu’il croit quasiment divine, réfractaire à toute réserve, sûr de son droit, il exige l’allégeance du peuple entier. Mais pour notre malheur, M. Milla a presque toujours tout faux. Sauf peut-être, cette fois-ci…
Mohamed a-t-il vraiment refusé de lui baiser les crampons ? Alors, j’y souscris, qu’on vire Hamadou, et tout de suite ! Ca apprendra à M. Abdouraman, c’est bien de lui qu’il s’agit, simple employé de la Fécafoot, à travailler pour un type qui a le culot de résister à l’Ambassadeur. Pour sauver le football camerounais cher à notre seule et unique gloire nationale, je dis que ce n’est pas assez de virer M. Abdouraman. Je propose qu’on le chasse de Yaoundé, qu’on l’envoie à Meiganga ou, tiens pourquoi pas, à Dembo. Peu importe, si ce n’est pas son village, c’est sans doute le village de quelqu’un qui lui est proche.
Mais ce faisant, qu’on ne touche surtout pas à Mohamed. Après tout, il est peut-être coupable de péché de lèse-ambassadeur, mais c’est quand même lui qui a fait de M. Milla le président d’honneur de la Fécafoot.