Samedi dernier, j’ai vu un formidable Eto’o contre le Réal Madrid. Dans ce match de gala, il a illuminé la seconde mi-temps qui a vu son équipe revenir à la marque, puis infliger une correction à son adversaire du jour. Comme tout le monde, je jubilais à chacune de ses prises de balle. A mon cœur défendant, parce que j’imaginais tous ces supporters qui avaient la même attitude que moi et qui parleront encore de ce match dans quelques mois, voire quelques années pour vanter la qualité du football(eur) camerounais.
Là est la problématique du football camerounais, voire du football africain en général. Voir en mondovision un bon match ou des actions d’éclat d’un compatriote arrivent de temps en temps quand les autres sélections mondiales ont de joueurs qui le font chaque week-end. Les propos de Eto’o sur Beckham (NDRL : Eto’o a déclaré être plus fort que Beckham, quand bien même celui-ci serait plus beau que lui) témoigne d’un certain malaise. A l’heure des premières rumeurs de transfert et des remises de récompenses individuelles, combien de nos compatriotes sont concernés ? Combien sont encore concernés par la Ligue des Champions ? Ou par la lutte pour le titre national du championnat qu’ils disputent ?
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Les faits sont têtus : on ne peut pas bâtir une équipe nationale compétitive sans joueur de talent. Nos compatriotes sont de bons tripoteurs de ballon, mais pour des raisons diverses, ils n’arrivent pas à devenir autre chose que de bons joueurs de club. Si on enlève toute considération sentimentale, aucun joueur de l’équipe nationale n’évolue dans un club de premier plan. Song effectue sa première saison complète depuis 3 ans, Geremi, Djemba évoluent dans des clubs de milieu de tableau, Njanka lutte pour éviter la relégation, Mettomo ou Wome ne sont pas titulaires en club…
Sans douter de leurs qualités individuelles, leur environnement ne permet pas d’en faire des stars. Côtoyer des seconds couteaux aux entraînements ne met pas dans les mêmes conditions que gagner sa place dans un effectif d’une trentaine de professionnels, dont plus de la moitié sont internationaux.
Nos joueurs se trouvent donc dans une situation délicate : adulés dans leur pays, mais peu reconnus par leur terre d’accueil. La faute à qui ? A un système qui les laisse partir trop tôt ? À la faiblesse de nos médias qui ne peuvent pas les « vendre » ? On pourrait refaire le monde, mais la faiblesse de culture du sport international ne peut que nous être défavorable. On ne construit pas une équipe sur du vent, la performance ne vaut que si elle est répétée semaine après semaine. Un Zidane, un Van Nistelrooy ou un Roberto Carlos ne se contentent pas d’un bon match de temps en temps. On ne peut pas continuer à se gausser d’un bon match, mais attendre davantage du suivant. Si les Lions Indomptables ont tout gagné en Afrique, ils n’en demeurent pas moins un nain au niveau mondial. Les grincheux parleront du titre olympique comme référence, mais qui se souvient d’un espagnol vainqueur des JO de Barcelone en 1992 ou d’un français vainqueur en 1984 ?
Le haut niveau se gagne par la constance dans l’effort, l’humilité et le travail. Et notre équipe nationale ne deviendra une sélection de 1er plan que lorsque toutes ses composantes (joueurs, staff technique, dirigeants) auront assimilé cette donne. Un coup est toujours possible, à l’image du Sénégal ou de la Corée lors de la dernière Coupe du Monde, mais sur la durée d’un tournoi, la qualité individuelle finit par prendre le dessus. Or, face à des joueurs ayant remporté les Championnats d’Italie ou d’Espagne, à des joueurs élus meilleurs joueurs de la Bundesliga ou de la Premier League, qu’avons nous à opposer ? Pour l’instant, notre espoir…
Hervé Kouamouo.