Il y a quelques années, l’une des phrases les plus prononcées au pays était : «Le Cameroun, c’est le Cameroun.» Ceux qui ont proféré et répandu cette lapalissade voulaient nous convaincre du caractère exceptionnel de notre pays. Ils ne sauront jamais à quel point ils avaient raison.
Parlons clairement : il n’y a qu’au Cameroun, effectivement, que l’on peut voir, faire et dire certaines choses. Je passe sur une belle brochette de spécificités tout à fait anachroniques qui me font régulièrement passer pour un plouc auprès de mes amis.
Non, je ne reviendrai pas sur l’impossibilité pour nous d’obtenir la double nationalité, cette mesure vertigineusement stupide qui oblige aujourd’hui des Camerounais à acheter un visa alors qu’ils se rendent chez eux !
Je passerai sous silence l’impossibilité pour nous d’échanger nos permis de conduire dans certains pays occidentaux, qui nous punissent ainsi d’une pseudo tendance à la feymania (alors que nous ne sommes ni plus, ni moins roublards que les autres Africains ; il se trouve juste que nous sommes particuliers en tout, et les autres on finit par le voir).
Je ne dirai aucun mot sur l’absence absolue d’infrastructures sportives dans un pays qui fréquente les sommets du sport mondial depuis bientôt vingt ans.
Je vais simplement m’appesantir sur notre dernière trouvaille : le collège d’entraîneurs. Non pas que je récuse le principe d’un collectif de techniciens à cette place. Je perçois juste la décision du MINSEP comme une vicieuse petite goutte d’eau de plus dans un océan de turpitudes telles qu’on n’en trouve qu’au Cameroun.
En effet, il n’y a que chez nous que le ministre en charge des sports s’arroge l’exclusivité de l’équipe nationale de football, mettant sous le boisseau le responsable de la fédération ad hoc, et jetant aux oubliettes tous les autres sports. Or, voilà des dizaines d’années qu’il en est ainsi. Les ministres se sont succédé, mais cette attitude n’a jamais varié.
Il n’y a que sur les bords du Mfoundi qu’on peut monter en épingle une fumeuse affaire de candidature par internet, nos (ir)responsables faisant ainsi étalage de leur snobisme aussi ignorant qu’abyssal, quand on sait que les Camerounais sont l’un des peuples les plus cyberconnectés du monde sous-développé.
Il n’y a que chez nous, au Cameroun, qu’on peut convoquer la presse à chaque acquisition qui devrait relever de la plus ennuyeuse des routines : la réfection d’une pelouse, l’achat d’un bus, etc. Il faut dire qu’entre deux de ces mini événements, on ne fait pas grand’chose sous notre soleil.
Et il n’y a qu’au Cameroun qu’on peut nommer une triplette d’entraîneurs adjoints pour n’en remplacer qu’un seul. Cette décision, au fait, est doublement absurde puisque, d’une part, un adjoint n’est pas censé subir la punition destinée à son responsable ; et que d’autre part, décider à plusieurs demeure plus compliqué que de trancher tout seul.
Voilà d’ailleurs pourquoi ce type de ménage à trois, dans l’histoire des hommes, n’a jamais rien donné de bon. Le premier triumvirat, dans la Rome antique, s’acheva par une belle bataille entre César et Pompée. Le second expira dans le souffle de Cléopatre, après une longue guerre entre Antoine son amant et Octave (le futur empereur Auguste). Dans la France postrévolutionnaire, on sait que le pseudo partage du pouvoir entre Bonaparte, Siéyès et Ducos ne servit qu’à préparer la dictature impériale du premier cité.
Pour m’en revenir à nos camenouseries, mon souhait est que, dans certains domaines, le Cameroun soit de moins en moins le Cameroun.
Car, ailleurs, on aurait depuis longtemps remercié Otto Pfister… Que dis-je ? On ne l’aurait même jamais recruté. Une équipe comme la nôtre est courtisée par les meilleurs entraîneurs disponibles sur le marché. Tous ces techniciens savent la valeur réelle et symbolique d’un séjour passé sur le banc des Lions Indomptables. Or, le Cameroun étant le Cameroun, nous nous acharnons, Dieu seul sait pourquoi, à recruter des seconds couteaux et autres béotiens en manque de visibilité.
Ailleurs, on aurait depuis longtemps publié un programme ambitieux de préparation pour les échéances importantes qui nous attendent. Au pays, nous épuisons nos forces en vaines querelles de chiffonniers, dont nous ne prenons même plus la peine de cacher les motivations bassement gombistiques.
Ailleurs, la Fédération serait constamment au taquet pour rappeler le sélectionneur national à ses devoirs contractuels, et pour le sanctionner rapidement s’il s’avère que ses résultats sont insuffisants. Chez nous, on laisse pourrir jusqu’à l’irréparable (souvenons-nous du navrant épisode Schäfer, qui nous coûta la qualification à la Coupe du Monde 2006).
Le triumvir d’adjoints que le MINSEP nous sort de son chapeau aujourd’hui vient donc à la suite d’une longue théorie de décisions et de mesures illisibles pour qui ne connaît pas le terrible pays des Lions. Le but, paraît-il, est de réduire à néant l’influence d’un trio de joueurs cadres de l’équipe nationale.
Trois coachs pour maîtriser trois joueurs. Le Cameroun est décidément le triangle le plus infernal de la Galaxie.
Allons, monsieur le MINSEP, un peu de courage. Vous êtes capables de réduire ce triumvirat à une seule personne. Vous n’avez qu’à vous inspirer de Gustave Essaka, qui réussit en son temps cet exploit d’être le seul et unique trimvir de son parti, la DIC.
Il n’y a qu’au Cameroun, décidément, que certaines choses sont possibles.
S. E. O., aka Atango