Ça ronronne dans le landerneau footballistique depuis au moins un mois, et ce fleuve long et tranquille qui coule sans à-coups ne donne aucun signe d’emballement. Tout est calme, c’est terrible. Si rien ne se produit bientôt, la torpeur qui nous enveloppe va sûrement nous entraîner dans la neurasthénie et, à terme, dans la folie.
Après la passe d’armes habituelle entre M. Edjoa et M. Iya, notre entraîneur-par-la-force-des-choses a bien essayé de créer un peu d’émotion en laissant courir la rumeur d’une offre de contrat en Iran et en parlant de son projet d’insérer des jeunes dans l’équipe première des Lions. Cela n’a pas suffi à créer le moindre frémissement, M. Pfister se trompe sans doute et a dû se rendre compte que nous ne nous laissons pas divertir par des histoires vaseuses ourdies pour entretenir un statut accidentel qu’il croit avoir gagné au Ghana. Qu’il se voie en ayatollah débarquant en Perse sous les youyous de bayadères en tchador, cela le regarde, mais qu’il ne pense surtout pas que nous lui décernerons des médailles parce qu’il a le projet de faire un peu de son travail pour lequel il est, en passant, scandaleusement bien payé, à savoir bâtir une équipe nationale de football compétitive.
Le championnat national MTN Élite se poursuit, sur la latérite, les terrains vagues et la broussaille, dans l’indifférence quasi-générale. La résignation des supporters et des amateurs est totale, ils subissent toutes les ignominies sans réagir, tous les ressorts étant déréglés. Et lorsque nos meilleures équipes se font sortir des compétitions africaines par des plombiers togolais, aucune protestation, aucun gémissement, aucune tentative de révolte ne se font entendre ni voir. Nous avons retrouvé la sérénité dans la médiocrité et l’habitude du malheur. Cela a du bon : on peut dire maintenant, sans grand risque d’être contredit, qu’on n’entendra pas de sitôt qu’un supporter camerounais est mort de crise cardiaque sur nos stades.
Les stades, justement, parlons-en. N’avons-nous pas été éblouis, pensent-ils, par le nouveau stade de Mbouda ? Vous avez vu comme moi la latérite, la fameuse tribune officielle, la toiture de tôles ondulées ? Vous avez appris qu’en ce qui concerne le gazon, Dieu est grand, après quelques pluies, dans un an ou deux, il va pousser ? Vous avez sans doute vu tout ça, et vous n’avez rien dit. Il n’y a rien à dire. C’est tout à fait lamentable, embarrassant, ignominieux. Quant aux stades des Chinois, calme plat. L’important a été fait : épater la galerie avec des photos avec des Chinois en beau costume. Nous n’attendons rien de plus ; nous n’aurons donc aucune raison d’être déçus.
Mais notre pays étant ce qu’il est, il ne faut jamais désespérer ni sombrer dans l’apathie. Il y en a encore parmi mes lecteurs, j’espère, qui se rappellent le stade omnisports de Warda. Cette niaiserie, ce ridicule ouvrage de 5 000 places pour lequel, toute honte bue, les autorités du pays se pètent les bretelles, a le potentiel de devenir, cette année, l’investissement le mieux pensé et le mieux adapté jamais réalisé au Cameroun. Pourquoi pensez-vous, je vous le demande un peu, que des personnages immensément importants au pays, les Mama Fouda, Carlos Etoundi, Aristide Okouda, demandent publiquement que Yaoundé, la capitale du Cameroun, soit débarrassée de tous les non-fils et non-filles du Nfoundi ? C’est pourtant diaphane. Faisons le compte : entre Essos et le carrefour Damase, Kondengui et Elig Essono, en excluant les nouveaux quartiers habités par des populations suspectes, combien y a-t-il de fils et filles du Nfoundi version Mama Fouda susceptibles de fréquenter les stades? 5 000 à tout casser. M. Fouda sort de Polytechnique Yaoundé, il sait compter, à défaut de savoir autre chose.
Je vous l’aurai dit. Mais si vous pensez que je divague, ne m’en veuillez pas trop, c’est la faute à MM. Edjoa, Iya, Linus Fouda , Mohamadou Abdouraman, Otto Pfister. On s’ennuie, messieurs, faites quelque chose.