Je vais éviter de dire les mêmes choses que j’ai dites et redites à l’intention de votre prédécesseur. Je crois même, si mes souvenirs sont exacts, que j’avais déjà dit les mêmes choses au rigolo sans dessein qui avait précédé votre prédécesseur. Monsieur Edjoa avait laissé supposer, par personne interposée, qu’il m’avait compris. Mais vous voyez bien, Monsieur, qu’il ne suffit pas de me comprendre. Il faut surtout m’entendre.
La tradition à CAMFOOT veut qu’à l’arrivée d’un nouveau MINSEP on prépare tout de suite son oraison funèbre, pour sa mise à mort déjà programmée, ou qu’on écrive les paroles du chant du cygne qu’on entonnera quelques mois plus tard. Je vais y déroger. Parce que vous avez une bonne tête de MINSEP, et surtout parce que j’ai beaucoup aimé vos premières paroles.
Votre arrivée au MINSEP est un hasard évidemment, mais un hasard heureux qui confirme la tendance, vertueuse au demeurant, qui semble réserver à tout professeur des lycées et collèges méritant sans doute, le maroquin du MINSEP. Vous n’êtes pas latin grec, je le sais, mais j’attire néanmoins votre attention sur Sénèque, stoïcien parmi les stoïciens, qui conseillait de considérer avec beaucoup de suspicion toute bonne chose qui arrive par hasard.
Soyez donc heureux, Monsieur, mais que ce bonheur n’exclue pas une circonspection de tous les instants. Alors, sous couleur de vœu de bienvenue chez nous, CAMFOOT vous propose l’amour.
L’amour de votre fonction, en premier lieu. Vous nous avez donné tous les espoirs lorsque, du haut de votre nouveau magistère, vous avez déclaré que votre rôle consistera à appliquer et à faire appliquer la politique publique en matière de sport. Vous avez tout dit. Cela vous grandira et grandira la fonction que vous assumez.
Savez-vous, Monsieur, que les têtes de turc de tous les gouvernements de notre manitou national, de Bidoung Mkpatt, charlot atrabilaire bachelier à 25 ans, à Augustin Edjoa, conducteur de travaux pour les Chinois, ont toujours été le MINSEP ? Alors qu’il y a toujours eu des types largement lamentables comme par exemple M. Inoni, M. Sindeu, M. Nguté ou Mme Tutu…
Aimez votre fonction, Monsieur, et cela va cesser. Vous n’êtes pas le ministre des Lions indomptables. Les regroupements en Géorgie ou en Belgique, cela ne vous regarde pas. N’y allez pas ! Vous n’avez pas pour fonction de prendre l’argent public pour payer des primes à des prima donna, idoles en fer blanc égocentriques et prétentiardes qui lèvent le pied chez nous et se défoncent sur les pelouses européennes. Vous êtes le ministre de la trampoline, du volley et de la course à pied, entre autres.
L’amour du pays, ensuite. Nous attendons de vous que la pratique du sport et de l’activité physique dans tout le Cameroun se développe dans un cadre bien pensé, étayée par des infrastructures satisfaisantes et selon un plan à moyen et à long terme qui porterait votre empreinte. Il n’appartient donc pas à Roger Melingui de se substituer à vous pour proposer la construction de dix stades. Aucun MINSEP n’a jamais construit dix stades à la fois dans aucun pays du monde. Ne salissez pas vos belles mains de scientifique dans des desseins qui ne visent qu’à distraire des ressources financières de leur destination légitime pour les aiguiller sur la voie de la corruption.
L’amour du pays, c’est la sauvegarde des institutions nationales. Vous avez charge de protéger et de faire grandir la Fécafoot, la principale institution sportive du pays. Les compatriotes qui sont élus pour faire marcher cette institution n’ont rien à faire parce que tous vos prédécesseurs se précipitent invariablement pour faire leur travail. M. Iya veut décider du déroulement de son championnat, recruter des entraîneurs, négocier des contrats de sponsoring, gérer les Lions ? Grand bien lui fasse ! C’est son travail. Laissez-le faire. Donnez-lui toute la corde, qu’il se pende tout seul.
Vous n’avez pas beaucoup de temps, Monsieur. Le hasard qui vous a mis là aura votre peau par hasard, naturellement. C’est maintenant que vous devez agir, c’est maintenant que vous devez définir votre vision et engager la modernisation du sport au pays. Tant que vous serez guidé par l’intérêt du Cameroun, vous aurez tous les droits et tout notre soutien. Alors tirez sans crainte sur tous ceux qui, de la Fécafoot à votre propre cabinet en passant par les organisations provinciales, ont fait échouer toutes les tentatives de réforme pour préserver leurs prébendes. Nous compterons les morts, et que Dieu reconnaisse les siens.