Sur les traces d’un sauveur du mouvement sportif vite rattrapé par les travers.Il semble qu’il commence à trop s’éloigner, le temps où il était considéré comme un saint. Peut-être moins prophète que rêveur.
Le contexte dans lequel Michel Zoah arrive au ministère des sports et de l’éducation physique (Minsep) le 30 juin 2009 est pour le moins significatif. Déjouant tous les pronostics, Paul Biya nomme à la tête du sport camerounais un «inconnu». Débauché dans les bureaux feutrés de la faculté de médecine et des sciences biomédicales où bistouris et autres seringues ne lui étaient déjà pas faciles à porter, cet enseignant est parachuté dans un monde où la cervelle a de plus en plus cédé ses pouvoirs aux tibias et autres membres.Le pédagogue doit désormais mettre sa petite expérience de médecin de fait, au service du sport qui se pratique en terrain rocailleux, dans un environnement de plus en plus moribonde, infesté par des aventuriers plus appâtés par les prébendes que procurent leurs positions, que par le souci de servir un secteur de la vie nationale. Le football, discipline fard est le plus grand malade, dont les turpitudes de l’équipe nationale fanion en course pour une qualification à la coupe d’Afrique des nations (Can) et à la coupe du monde 2010, constitue le symptôme le plus visible de la maladie du sport roi.
Thérapie
La thérapie appliquée par le nouveau ministre est de trouver de nouveaux hommes à la tête de l’encadrement technique des Lions indomptables dont l’entraîneur principal, Martin Otto Pfister, démissionne quelques temps après. Au chevet d’un malade courant vers l’agonie, Michel Zoah dépêche un certain Paul Le Guen. Dans un contexte où la presse dénonce la gabegie qui entoure la gestion des fonds publics alloués à l’accueil du nouveau patron des Lions. Le profil de l’homme est discutable, entre ceux qui attendaient un technicien de renom, pour avoir de la hauteur face à une équipe où les égos individuels commencent à avoir raison de la discipline, et ceux qui voient en l’ex entraîneur de l’Olympique lyonnais l’homme charismatique idéal pour le cas Lions indomptables. La qualification in extrémis du Cameroun pour les deux compétitions sera une victoire pour les seconds.
Le successeur d’Augustin Edjoa peut légitiment être baptisé Saint Michel dont la clairvoyance a inspiré la rencontre d’un autre saint, Paul. Pour insuffler le Saint-Esprit dans une tanière de Lions en proie à de mauvais esprits. Puis par le même mécanisme, le football camerounais est exorcisé, et enfin le sport tout court, à travers des Etats généraux qui unissent le gratin du mouvement sportif camerounais. Les bonnes intentions de Michel Zoah sont visibles dans l’attention que l’homme porte sur les disciplines dites mineures qui, toutes proportions gardées, bénéficient d’une certaine visibilité. En témoigne le nombre sans cesse croissant de compétitions internationales qu’organise le Cameroun dans ces autres disciplines. Même si le football reste l’enfant chéri, bénéficiant de privilèges exorbitants pendant que les autres disciplines peinent à exister dans l’infime place qu’on leur accorde au soleil.
Caillou dans la chaussure
Malgré tout, le ballon rond reste le caillou dans la chaussure de Michel Zoah. La Can et le mondial 2010 sont cet arbre qui autre fois cachait la forêt et qui vient de tomber à cause d’être rongé de l’intérieur par les racines même de la forêt qui l’entoure. Michel Zoah est rattrapé par les tares du monde qui l’entoure : un ministre qui doit marcher quelques fois sur la ligne tracée par quelques sportifs zélés, parce que disposant de bras parfois trop longs et atteignant même la cime de l’arbre gouvernemental. Pour influencer le tracé de la ligne du patron des sports. Un ministre qui semble peu connaitre son entourage.
Lui qui doit apporter un éclairage sur les accusations de Samuel Eto’o qui dit n’avoir jamais perçu ses primes de matches depuis trois ans. En attendant l’issue de ces autres enquêtes que l’on dit diligentées par la Commission nationale anticorruption et le contrôle supérieur de l’Etat. Du coup, le saint d’hier traîne derrière lui l’odeur d’un démiurge en mal de confiance. Et même la proximité régulièrement entretenue avec la Fédération du football que l’on dit être la cause de la chute des différents ministres englués dans des conflits interminables avec ces tutelles souvent obsédées par le souci de rétablir l’Etat dans son droit à regarder ce pan de la vie nationale cédé à cette institution, pourrait être une liaison fatale. Le Saint d’hier, s’il peut soutenir l’argument d’une transparence managériale, semble alors avoir perdu de son pouvoir de démiurge dans une cour de démons
Lindovi Ndjio