Au sujet de la nomination du président et des membres du Comité de normalisation de la FECAFOOT, les spéculations sont allés dans tous les sens jusqu’à ce qu’on découvre des nouveaux visages, pas toujours en conformité avec les attentes des « spécialistes » du football qui n’ont de cesse de prêcher pour leur chapelle exclusive.
A en juger par le timing, les discussions et négociations ont sans doute été âpres entre les représentants du gouvernement et ceux de la mission conjointe CAF/FIFA qui ont dû jouer des prolongations pour dénicher un oiseau rare dont le profil et l’itinéraire sont quelque peu en décalage avec les usages de la maison de Tsinga où on a appris depuis des lustres à s’appuyer sur des figures connues d’avance, des « hommes sûrs » pouvant servir au besoin de béquilles pour des tours de prestigiditation.
Autant le dire tout de suite : en atterrissant à la FECAFOOT, Me Dieudonné Happi et ses proches collaborateurs ne débarquent pas forcément en terrain connu, ils ne nagent pas dans leur élément mais l’appel du devoir aidant, ont deux possibilités pour imprimer leur marque : soit s’adapter au milieu ambiant et ses réalités avec tout ce que cela suppose, soit modeler l’environnement, le cadre du travail et les hommes en fonction des critères prédéfinis ou des objectifs à atteindre.
Dans l’un ou l’autre cas, la tâche qui les attend ne sera pas aisée. C’est un euphémisme d’affirmer que la gouvernance, même provisoire, de la FECAFOOT n’est pas un long fleuve tranquille. Me Dieudonné Happi, le nouveau président du Comité de normalisation, sera exposé, tôt ou tard, à trois grandes forces (pour ne pas dire résistances) dont il faudra tenir compte. Pas forcément dans une posture d’opposition frontale mais plutôt dans une logique de contrepoids, voire de contre-pouvoir.
1. Sur le plan interne. Même si l’équipe restreinte de la normalisation traduit un souci d’efficacité, il va de soi que les nouvelles têtes de proue ne vont pas travailler en vase clos. Ils vont s’appuyer dans leur action sur des ressources humaines disponibles. Ce n’est un secret pour personne que malgré le changement intervenu au sommet, des forces d’inertie persistent au niveau de la Fédération et cherchent à contester l’autorité établie ou à reconstruire des réseaux parallèles. Il n’est pas impossible que des éléments solidaires de l’ancienne équipe ne soient pas toujours disposés à apporter tout leur soutien à des personnes considérées comme des « corps étrangers ».
2. D’autres facteurs de résistance pourraient provenir des acteurs majeurs de football ; qu’il s’agisse d’anciens footballeurs, des présidents de club, des arbitres, etc. Il faudra surtout compter avec la contradiction attendue de la part du fameux camp des contestataires qui n’ont pas encore dit leur dernier mot. Pour l’instant, les principaux représentants de ce courant, dont J.A Bell et Abdourraman n’ont pas encore réagit, réservant peut-être leurs énergies aux batailles futures de l’après normalisation, on ne perd rien à attendre. Déjà, des voix s’élèvent ici et là pour critiquer le nouvel exécutif qui serait « en marge des affaires du football ». c’est vrai que la maxime « le football aux footballeurs » est belle, mais s’avère être en définitive un slogan creux. Ayons l’honnêteté de reconnaitre que dans le contexte actuel, peu d’anciens ou nouveaux footballeurs sont suffisamment outillés ni assez neutres pour prétendre conduire des réformes sans chercher d’abord à préserver des intérêts occultes. Ce dont le football camerounais a le plus besoin MAINTENANT c’est d’être doté de bons textes passés au peigne fin par des juristes ayant une relative neutralité, ne revendiquant pas l’appartenance à tel camp ou tel clan. On peut déjà prévoir des batailles qui s’annoncent épiques lors du renouvellement du corps électoral au niveau de la fédération et de ses démembrements locaux.
3. La troisième force, de loin la plus importante, est représentée par la tutelle administrative. Compte tenu du sempiternel devoir de réserve, elle n’est pas forcément la plus redoutable, ni la plus nuisible. Mais l’histoire des relations tumultueuses entre le MINSEP et la FECAFOOT appelle à plus de prudence. Dans les faits, une bonne collaboration n’a pas besoin de compromissions pour atteindre les objectifs fixés. Pour ne prendre qu’un exemple, la manière dont les deux parties pourront aborder ou re-négocier la représentativité de la Fédération dans le Comité local d’organisation de la CAN 2019 en dira long sur leur volonté à cheminer ensemble, à regarder dans la même direction. Quoiqu’il en soit, aucune des deux entités n’a intérêt à déterrer la hache de guerre qui pourrait déclencher un retour du bâton de l’instance faîtière du football mondial.
En conclusion, la nouvelle équipe de la normalisation ne débarque pas en terrain conquis et ne marchera pas sur du velours. On peut supposer qu’ayant le bénéfice du doute et le profil de l’emploi, le président et les membres mettront à profit le temps qui leur est imparti pour faire du bon boulot dans une relative sérénité. Et ce d’autant plus que la loi leur interdit de briguer tout poste électif par la suite. Les footballeurs et d’autres acteurs du football devraient donc prendre leur mal en patience. Quand Me Happi et son équipe auront rendu leur copie, alors des nouveaux prétendants pourront entrer en scène pour postuler à tel ou tel mandat. Ils pourront d’autant mieux concrétiser leurs ambitions que la Normalisation aura légué à la postérité des solides fondations juridiques dont a tant besoin le football camerounais.
Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste