Tous les cabots n’ont pas été immortalisés à l’écran par le génial Emir Kusturica. Tous les aèdes n’ont pas écrit de poèmes sur le gazon. Tous les rhapsodes n’ont pas, au terme d’un ballet d’une pureté incommensurable, marqué un but hors norme contre Albion. Tous les histrions n’ont pas fait la bringue avec les mannequins les plus délicieux du monde, dansé la java, le merengue et le tempo toque à Pedralbes, à Barcelone, et dans la cité méditerranéenne de Naples. Tous les ménestrels provocateurs ne se sont pas défoncés à la cocaïne. Tous les jongleurs n’ont pas eu pour amis, en même temps, Hugo Chavez et Fidel Castro. Tous les scaldes, enfin, n’ont pas fait pleurer de bonheur et de folie des foules et des peuples entiers sur tous les théâtres de gazon du monde entier.
Tous, des poètes et des artistes sans doute, mais un seul a nom Diego Armando Maradona. Génie prolifique, footballeur boulimique, esprit libre, talent grandiose et, pour notre bonheur, toute une vie mise au service du football, du football bien joué, avec ses excès, ses scories, sa folie. Qu’on me pardonne d’avoir à peine été là au moment où Pelé était au pinacle. Maradona est seul. Il n’y en a pas d’autre.
Alors, Maradona, sélectionneur de l’Argentine ? Quel bonheur quand même ! Que d’espoirs longtemps tus et soudain ravivés ! Mais qu’attendait-on donc pour lui confier cette incroyable celeste constellée d’étoiles ? Qu’attendait-on pour enfin donner à un footballeur d’exception l’occasion de faire renaître le football ? De donner au football mondial l’impulsion qu’il faut pour retrouver la vertu perdue de la beauté, de l’insouciance, de l’épate ? La folie revisitera-t-elle bientôt les stades ?
Vous dites que Beckenbauer, Platini, van Basten et d’autres grands joueurs sont bien passés par là, sans influencer durablement le cours du football moderne. Soit. Mais ressaisissez-vous un peu : est-ce qu’il y a toujours match entre ces trois-là et Maradona ? De très bons footballeurs sans doute, mais des génies ? Des thaumaturges et des prestidigitateurs comme le garçon en or ? Je crois fermement que le football argentin se jouera bientôt comme Maradona a joué et que son influence sur le football mondial va dépasser celle qu’a eue le Kovacs des années folles du football total.
C’est un vœu que nous sommes obligés d’entretenir parce qu’il y en a marre des rabat-joie et des peine-à-jouir qui font pleurer le foot depuis des siècles. Marre des Benitez, des Schuster, des Capello et autres Van Gaal. Marre des Wenger qui transforment le moindre espoir en petit soldat. Marre des gens qui n’ont pour seule ambition que de fabriquer des équipes de facturiers et de comptables.