Une image m’est venue immédiatement en tête, la première fois que je l’ai vue, en 2004, dans un hôtel de El Kantaoui, en Tunisie. J’ai vu ma mère Técla, qui nous disait sous le sceau de la confidence, en parlant de mon oncle Augustin qui travaillait alors à Renault CEAC à Douala : « Votre oncle est tellement riche, à la fin du mois, il prend son salaire dans un sac.» Mademoiselle Ngambi, ce soir-là, tenait dans sa main un sac, un vulgaire sac brun, qu’elle posait négligemment devant elle, comme s’il contenait des haricots verts.
Les chemins de l’amour sont vraiment insondables. Le mien est né ce soir-là, une fois que j’ai vu, de mes propres yeux, Mademoiselle Ngambi plonger à pleines mains dans ce sac de rien du tout et ressortir des liasses de billets, des euros, excusez du peu, et les distribuer à la foule de journalistes invités à une conférence de presse des Lions.
Il y avait quelque chose de particulièrement attirant dans le geste, le détachement et la munificence avec lesquels cette femme distribuait de l’argent. J’étais là, tétanisé d’amour, suivant tous ses gestes, oubliant mon propre sort de scribe impécunieux. Non, je ne voulais pas de cet argent, c’est la donneuse d’argent que je voulais, pour la vie.
Elle ne m’a jamais regardé, bien sûr. M. Betala, heureux homme, avait sans doute déjà accaparé la pole position. Mais je l’avoue volontiers, j’ai eu de grands moments de bonheur à imaginer ma vie avec Mademoiselle Ngambi. Je voyais ses grands cheveux cerclés de billets, ses dents, des pièces d’euro évidemment, ses robes serties de yens, tiens pourquoi pas ? Chaque fois que je pensais à ses mains, je voyais ce geste du semeur distribuant l’argent à tout vent. J’en mettais dans notre matelas, sous le lit ; je m’essuyais les pieds sur des sacs d’argent en regardant la télévision, bien calé sur un fauteuil bourré de billets. Ah ! quelle oaristys, quel bonheur !
Seule ombre au tableau : la tendance que Mademoiselle Ngambi avait de toujours traîner dans son sillage un ministre des sports. Je voulais bien vivre aux crochets de Mademoiselle Ngambi, mais pas avoir un ministre des sports qui tient la chandelle partout. J’ai quand même ma dignité, tiens !
Monsieur Betala a tué mon rêve depuis tellement longtemps que j’en étais guéri. Monsieur Zoah, en décidant inconsidérément de priver le sport de haut niveau de la grâce et de la générosité, bref de l’amour, vient de rouvrir ma plaie. Était-ce vraiment nécessaire, Monsieur le Ministre ?