Le 20 septembre dernier, nous avons tous accueilli avec une grande joie la qualification de Coton Sport de Garoua pour les demi-finales de la Champions league africaine. Se souvient-on seulement qu’il y a vingt ans de cela, un tel résultat aurait été de l’ordre de l’évidence la plus plate ?
Je vous parle là d’un temps que les moins de 20 ans, en effet, ne peuvent pas connaître. Le Canon de Nkolndongo, le Tonnerre de Mvog Ada et l’Union de Douala trustaient tous les trophées continentaux, ces mêmes équipes fournissaient la totalité de l’effectif des Lions Indomptables, à une ou deux exceptions près. Bref, le Cameroun était un grand d’Afrique par ses clubs.
C’était la belle époque, avant que nous n’entamions une traversée du désert dont nous ne voyons toujours pas la fin. Signalons tout de même une oasis rencontrée en 2000 par le Canon de Yaoundé, lorsque les « Mekok me ngonda » réussirent à atteindre, face au Zamalek d’Egypte, la finale de la Coupe des coupes (écrabouillés 1 à 4 au Caire, insuffisants vainqueurs 2 à 0 à Yaoundé).
Coton Sport, donc, va jouer cette année la demi-finale de la Ligue des champions africaine. Depuis 1997, le club du Nord a remporté 12 titres nationaux, ce qui représente le meilleur ratio de tous les temps (Canon : 21 titres sur 30 ans). Or, le meilleur résultat de cette équipe en compétitions africaines jusqu’ici, c’est une place de finaliste en Coupe de la CAF en 2003.
Le même 20 septembre où Coton Sport écrasait Enyimba au stade Roumdé Adja, à 4000 kilomètres de Garoua, un autre club fêtait sa victoire (1 – 0) sur l’équipe du Havre. Cet autre club, c’est l’Olympique lyonnais. Or, entre Coton Sport de Garoua et le club de la capitale des Gaules, il y a une sorte de fraternité de destin qui interroge l’observateur. Car l’OL domine, lui aussi, le football français depuis l’an 2000 (9 trophées nationaux, dont 7 titres consécutifs de champion depuis 2002). Malgré cette domination inédite, l’équipe de Jean-Michel AULAS éprouve, elle aussi, tout le mal du monde à émerger au niveau continental : son palmarès européen est aussi vide que les poches d’un fonctionnaire camerounais en milieu de mois.
Qu’est-ce qui explique cette sorte de chiasme, cette logique en miroir qui veut que, d’une part, ces deux clubs parviennent à écraser à ce point leurs championnats respectifs ; et que d’autre part, face à leurs adversaires continentaux, ils montrent la même puissance que le dernier repéché du championnat de vacances de Ngoa-Ntet ?
J’y vois, pour ma part, deux raisons, l’une expliquant le premier point (la domination nationale), l’autre éclairant le second (la déroute continentale), les deux explications étant communes aux deux clubs.
Il se trouve que, dans leurs pays respectifs et toutes choses restant égales par ailleurs, Coton et Lyon sont les clubs les mieux structurés, ceux qui ont mis en place une vraie politique sportive à long terme, ceux qui disposent d’un budget conséquent, ceux qui présentent un effectif de qualité chaque saison.
Ajoutons que sur les rives de la Bénoué aussi bien que sur les bords du Rhône, on trouve à la manœuvre un capitaine charismatique et ambitieux, qui a réussit à instaurer une vraie politique de l’efficacité et de la compétence, dont on voit à l’œuvre, chaque saison, les résultats.
Cependant, du fait même de cette hyperpuissance qui leur permet de survoler (de très haut) leurs concurrents au niveau national, ces deux clubs manquent de vrais sparring partners. Ils s’en rendent compte lorsqu’il s’agit d’aller jouer dans la cour des grands, sur le terrain continental. Il faut affronter tel mercredi en Champion’s League Manchester United, lorsqu’on a joué le samedi d’avant contre Nantes. Il faut se frotter au Zamalek, alors qu’on revient d’une confrontation avec Foudre d’Akonolinga.
Nos deux clubs souffrent d’être seuls, trop seuls au sommet de leurs championnats nationaux. Vivement qu’émergent des concurrents à leur hauteur, pour le bien de tous. Que Marseille, Lille, Monaco, voire le PSG aillent titiller un peu plus virilement l’OL. Que le Canon, l’Union, le Racing, embêtent un peu plus souvent les poulains de monsieur IYA Mohamed.
Faute de cela, nous en resterons réduits à regarder, impuissants, cette anomalie qui perdure dans les deux pays, et qui nous a trop longtemps privés, pour ce qui nous concerne au Cameroun, de fêter comme nous seuls savons le faire un trophée continental en clubs.
Mais peut-être Coton Sport va-t-il essuyer nos larmes cette année ? « Inch Allah », comme diraient les Feddayins chers à Ndogkoti.
C’est tout le mal que je nous souhaite.
Atango