Depuis la fin de la CAN 2021 à Yaoundé, les Lions Indomptables du Cameroun n’ont gagné que trois matchs sérieux. Contre l’Algérie lors du dernier tour qualificatif pour la Coupe du monde 2022 à Blida. Contre le Brésil lors du dernier match de groupe de la CM 2022, auquel on a accordé trop d’importance. Et le dernier match qualificatif pour la CAN 2023 contre le Burundi. C’est à peu près tout.
Le reste oscille entre défaites et prestations insipides. Contre le Sénégal certes champion d’Afrique, ce lundi à Lens, on a touché le fond, finissant le match avec une seule frappe cadrée.
On aura beau scruter, mais on ne comprend pas la stratégie du sélectionneur, ni son système de jeu, les choix tactiques opérés, ni la logique des substitutions. Il n’y a aucune continuité dans le jeu, aucune homogénéité définissable. Je ne parle pas de système de jeu, 4-3-3, 4-4-2 ou de 3-5-2. Je parle d’approche de jeu, de son ADN.
Après une année et demi à la tête des Lions Indomptables, Rigobert Song n’a jamais trouvé son équipe-type. On a l’impression qu’à peu près n’importe qui peut y avoir sa chance.
On peut rappeler Nicolas Nkoulou qui a arrêté sa carrière internationale depuis 5 ans, en faire un titulaire en Coupe du Monde, et le rejeter brusquement. Sans aucune explication. On peut exclure André Onana, et le ramener sans se justifier. On peut ranger Ondoa dans les tiroirs, le ressortir et le placer numéro 2 devant Epassy qu’on a dit très brillant en coupe du monde. Le sélectionneur peut amener à la surprise générale Simon Ngapandouetnbu en coupe du monde et le renvoyer après chez les Espoirs. Sans aucune explication. Le staff peut subitement se passer de l’axe central Castelletto – Wooh qui a montré plus de stabilité pour installer Moukoudi – Gonzalez sans autre procès.
On peut considérer Tolo – Mbaïzo – Ondoa – Njié comme des joueurs importants en se passant de Jean Onana.
Nul ne sait quelle la situation de Carlos Baleba, Sacha Boey, Ekitiké, Tameze… On peut convoquer Enzo Ebosse, Enzo Tchato, Malcolm Bokele, Olivier Kemen, Ben Elliot, Jerome Ngom, Ganago, Souaïbou et Darlin Yongwa pendant un an sans leur faire confiance… Il n’y aucun onze type. Tout change à tous les matchs.
Le pire c’est qu’on en est arrivé à une époque où il n’est plus admis de faire la moindre critique, ni même d’émettre la moindre opinion, sans être taxé de jaloux, et d’autres noms d’oiseaux. Beaucoup de gens ont acquis la conviction que si on aime Rigobert Song, on ne le critique pas ! On reste résilient, on croise les bras et on attend que ça se passe, peu importe le temps que ça prendra, en expliquant que l’équipe est en reconstruction. La reconstruction ne peut pas durer une éternité. La CAN c’est dans deux mois. Et en plus, on doit voir les prémices du travail initié, des signes annonciateurs des lendemains meilleurs. On a tous adoré le Rigobert Song joueur, mais le Rigobert Song entraineur tarde à convaincre. On n’a rien retenu de son passage chez les U20 et chez les Espoirs.
En plusieurs décennies, le Cameroun a bâti une notoriété internationale fondée sur la production des grands joueurs, les résultats qui imposaient du respect, la foi en la victoire, de génération en génération, et un mental en acier trempé. Aujourd’hui, on perd à peu près contre n’importe quel adversaire. Notre légende qui nous précédait, et qui filait la peur bleue à tous les adversaires est en train de fondre comme neige au soleil. Bientôt, plus personne n’aura peur du Cameroun et c’est probablement déjà le cas. Pourtant, c’est ce complexe qui faisait trembler certains adversaires, avant même que le match ne débute.
Croire qu’on peut perdre tous les matchs amicaux et se transformer en monstre froid dès le début d’une compétition relève de la sorcellerie. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme.
Dr Claude KANA, Historien du football