Au Cameroun, depuis 2010, il flotte comme un sentiment de sérénité et de résignation. Dans le calme et la dignité on dit adieu à la belle époque de l’histoire du football camerounais. C’est sûr, cette fois-ci, c’est vraiment fini. A l’image de la fédération et du ministère des sports, tranquilles, l’équipe nationale coule et se fait battre à toutes les échéances importantes, aucune réaction, ni changement ni rien. Qu’il est cruel ce temps qui sans faillir, nous rappelle impitoyablement qu’il a raison de tout, car une fois au sommet, on ne peut que redescendre, plus ou moins lentement, mais sûrement.
Depuis 2002, nous voyions venir la fin, mais courageux nous avons refusé de l’accepter. Certains se réfugiaient derrière un optimisme infaillible, refusant l’inébranlable évidence, et croyant à une résurrection éternelle. Ce n’est pas tant la chute qui est choquante, mais la passivité totale et absolue, une gestion dramatique qui nous a mis dans cette situation surréaliste. Je ne sais pas si les dirigeants auront le courage de prendre des décisions radicales.
A la croisée des chemins, il fallait commencer par un profond changement sur le plan structurel de notre football. C’est ce à quoi devait s’atteler la Ligue de football professionnel du Cameroun (LFPC). Pourtant, en 1987, Eugène NJO LEA, l’un des tout premiers professionnels africains en France, footballeur militant et initiateur en 1961 du plus grand syndicat du foot français, l’UNFP, a présenté un grand projet de professionnalisation du football camerounais. Raillé partout, suspecté, dénigré, il est mort sans que ce projet ne se réalise. Le ministre des Sports de l’époque, Joseph FOFE avait annoncé la création d’une commission pour étudier la viabilité du projet. La fameuse Commission n’a jamais siégé.
En 2011, soit 24 ans plus tard, a été lancée la Ligue de Football Professionnel. La Ligue a compétence pour organiser, gérer et réglementer le football professionnel, les championnats Elite One et Elite Two et toutes les autres initiatives, dans la limite des compétences que lui accorde le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs des Clubs Affiliés à la FECAFOOT. Les sources de financement de la Ligue doivent provenir d’une subvention de la Fédération camerounaise de football, de l’Etat, des recettes des stades, des droits divers. La Ligue, afin d’œuvrer pour le développement du football camerounais devait subventionner chaque club à hauteur de 110 millions de francs Cfa par saison sportive. Sauf qu’il y a quelques jours, l’Association des clubs d’élite du Cameroun (ACEC) vient d’annoncer l’arrêt des championnats nationaux pour non paiement de la subvention de l’Etat (environ 560 millions FCFA).
Du coup, on se pose la question de savoir si on peut réellement parler de football professionnel si les joueurs n’ont pas de statut et s’il n’est pas capable de s’autofinancer. L’évolution des sources de financement du football professionnel est la suivante : Recettes des matchs : 20% du budget total, Subventions des collectivités locales: 10%, Sponsors : 10%, Droits télévision: 50%, Produits dérivés : 5% et Transferts de joueurs. Nous sommes-nous rassurés qu’on avait créé les conditions requises pour parler de professionnalisme. Le sous-bassement d’un projet de football professionnel ce sont les infrastructures. Or, nos clubs de football n’ont pas de structures adéquates pour permettre l’épanouissement des acteurs que sont les joueurs. Nul n’a préparé les clubs aux exigences du professionnalisme, ce qui donne l’occasion à tout un chacun de faire ce qu’il veut. Est-il admissible que des clubs comme le Canon de Yaoundé, le Tonnerre et l’Union de Douala n’aient pas leur propre terrain d’entrainement ?
Même l’Olympique de Mvolyé du temps de la splendeur d’Henry Omgba Damase avec toutes ses galactiques, Emmanuel Kundé, Bertin Ebwéllè, Tataw Stephen, Yombi Ayakan, Hans Agbo, Ndip Akem, Mbarga Joseph, William Andem, Louis Paul Mfedé, Njanka Béaka, Michel Kaham et Jean Paul Akono comme entraîneurs, n’a pas cru bon de se bâtir un siège et acquérir des infrastructures modernes. Ce n’est pas à la fédération de construire des stades et des infrastructures sportives, je le conçois. Or, l’Etat ne fait rien non plus. Comment comprendre qu’on puisse parler de professionnalisme alors que les salariés des clubs n’ont pas de statut, ni d’assurance maladie? Comment parler de professionnalisme si on est certain, vu l’état de nos terrains qu’aucune chaîne de télévision ne dépensera pour acquérir les droits d’un championnat moribond, qui se joue sur des bourbiers indescriptibles ? Comment peut-on croire que la Ligue sera gérée de manière plus exemplaire que la MTN 1 qui peine à se donner une image convenable ? Comment des dirigeants qui, en cinquante ans n’ont pas su gérer un championnat amateur pourront-ils s’occuper de structures aussi complexes que des clubs professionnels ?
Un championnat professionnel suppose un cadre juridique préalable, un statut professionnel pour les joueurs, entraineurs, arbitres et cadres administratifs, des infrastructures dignes, des revenus pour l’autofinancement, un environnement adéquat, un suivi médical de haut niveau, une cellule de marketing, un personnel administratif compétent et performant formé pour la pérennisation. Un club de football professionnel doit disposer de ces commodités minimales pour prétendre à une viabilité durable. Pas besoin d’être analyste, ou spécialiste de l’économie ou de la finance pour comprendre que le minimum n’a pas été fait. Peu surprenant cependant pour tous ceux qui connaissent les méthodes de gestion des responsables du sport au Cameroun. Malheureusement, la tendance qui a cours dans le sport est à l’image des autres pans de gestion de la chose publique. Malheureusement, à ce niveau, il n’est même plus important de se demander à qui incombent la responsabilité, mais pourquoi faut-il que les choses se passent toujours de cette manière sans que cela ne dérange personne? L’honnêteté intellectuelle recommande de reconnaitre que si nous en sommes là, forcement, on ne doit pas avoir tout fait juste.
Claude KANA, Consultant