M. Le Guen,
Vous venez d’être nommé au poste de sélectionneur de l’équipe nationale du Cameroun. Votre mission, paraît-il, est de qualifier les Lions Indomptables pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud. Pourquoi disons-nous « paraît-il » ? Parce que nous n’en savons que ce que vous avez bien voulu en dire.
Autrement dit, vous n’avez eu à faire jusqu’ici qu’à de hauts responsables de notre pays. Car il faut dire que votre entrée en matière ressemble plus à celle d’un souverain étranger qu’à celle d’un entraîneur de football.
Souffrez donc d’entendre un supporter de base, qui a pour seul avantage de bénéficier d’une tribune aussi renommée et aussi crédible que celle du cyberjournal « Camfoot ».
Nous ne savons rien des arcanes de votre nomination au Cameroun, et, franchement, peu nous en chaut. Mais on peut présumer que vous serez payé par nos impôts, ce qui nous donne au moins un droit de regard sur votre travail.
Permettez-nous déjà de nous inquiéter que vous soyez arrivé au Cameroun en compagnie de Samuel Eto’o, qui n’est même pas le capitaine des Lions Indomptables. Il s’agit sûrement d’une circonstance fortuite, S. Eto’o ayant par hasard acheté un billet pour le même avion que vous, et l’hôtesse lui ayant par simple coïncidence attribué la place adjacente à la vôtre. Nous nous en inquiétons, en tout cas, parce que Samuel Eto’o représente l’un de vos principaux atouts, à condition que vous compreniez qu’il fait aussi partie du problème.
En partie à cause de lui, mais au-delà de lui, l’équipe tout entière est plongée dans un marasme d’un niveau rarement atteint dans l’histoire du football camerounais. Ce désordre, il faudra le combattre, et le plus vite possible.
Peut-être comprendrez-vous, lors du match amical contre l’Autriche, ce que nous autres savons depuis longtemps : certains de nos cadres, que nous ne remercierons jamais assez pour les services qu’ils ont rendus à la nation, sont largement atteints par la limite d’âge, et leur rendement sportif n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut en leurs vertes années. De renoncements en tâtonnements, aucun de vos prédécesseurs n’a eu le courage de se passer des joueurs en question. Nous espérons de vous ce courage. A défaut, ce sera à votre successeur de s’en charger, au soir tumultueux d’une élimination traumatisante à « notre » Coupe du Monde. Alors, « to pitch or not to pitch ? »
D’autre part, il y a belle lurette que les Lions Indomptables ne présentent plus aucun fond de jeu. Les talents sont là, quelques-uns dispersés sur le territoire national, la plupart éparpillés dans la diaspora. Il faut aller les chercher, puis il faut les motiver et les utiliser à bon escient. Cela est le travail classique d’un sélectionneur national. Bien que débutant dans cette fonction, je ne doute pas que vous appreniez très vite à pratiquer avec bonheur ce travail. Nous saurons enfin si nous sommes une équipe ultra défensive qui lance de temps en temps ses flèches offensives, ou une équipe compacte qui fait avancer ou reculer toutes ses lignes en coordination. A moins que vous ne nous sortiez de votre chapeau une stratégie inédite, une touche personnelle qui marquera à jamais votre nom sur la liste des entraîneurs emblématiques des Lions Indomptables. En tout cas, nous le valons bien.
Cette lettre ouverte contient des doléances que nous avons maintes fois adressées à nos dirigeants et à vos prédécesseurs, sans que personne ne veuille en tenir compte. Les (mauvais) résultats obtenus nous ont, malheureusement, donné raison.
Il y a urgence : entre Yaoundé et Johannesburg, il y a Libreville. Nous voulons réussir, vous aussi, sans doute. Vous savez désormais quels sont les trois chantiers que nous trouvons prioritaires pour que cette réussite advienne. Nous espérons, cette fois que nous serons entendus.
En attendant, soyez convaincu de notre vigilante bienveillance.
S. E. O. (Atango)
Supporter de base et chroniqueur à Camfoot