La toile bruit ces derniers temps de commentaires où l’irrévérence le dispute à l’effronterie, comme il est de coutume au pays des internautes, plutôt à l’aise d’envoyer des piques, masqués sous des pseudonymes. Au centre de la polémique, un article au vitriol d’un lecteur du « Jour », outré par le comportement d’ensemble du capitaine des Lions indomptables, responsable selon l’auteur, du climat délétère qui a conduit à la mésaventure de la Can angolaise.
Samuel Eto’o, s’estimant calomnié par les dénonciations de son procureur, n’a pas résisté à la tentation de répondre à la salve à lui portée. C’est la première fois que, du peu que je sais de l’histoire de notre football, on assiste à un tel échange épistolaire, entre un supporteur désabusé et un footballeur revanchard.
L’une des questions que l’on pourrait se poser logiquement est de savoir pourquoi Samuel Eto’o est la cible désignée de la plupart des cancans qui fusent ici et là pour stigmatiser la vie dans la « Maison Cameroun ». Pardi, parce qu’il en est le capitaine, la courroie entre les différents staffs (administratif, technique…) et la sélection nationale.
En succédant à Rigobert Song qui a donné un contenu certain à cette fonction au point de sembler l’incarner en raison de son esprit baroudeur, son sens patriotique et son humilité, Samuel Eto’o n’a-t-il pas voulu inaugurer une nouvelle ère, faite d’omniprésence devant les micros et de déclarations décapantes, avant et après les matches ? Exemple : « …Tous les moutons n’ont pas le même prix ». Ou encore : « Je viens gagner la Can et battre le record des buts marqués en une seule édition. La presse raffole de telles déclarations qui lui servent à faire des choux gras. Mais sont elles de nature à entretenir de bons rapports entre les membres d’un même groupe ?
En se réservant le costume de Gary Cooper, en plus de ratatiner l’importance de ses camarades dans les plans de casses à opérer, le « Pichichi » n’a-t-il pas, inconsciemment ou non blessé leur ego à chacune de ses sorties médiatiques ? A lui le premier rôle. Aux autres la figuration.
Non satisfait de détonner dans la sélection par son extraordinaire réussite sportive et sociale, Eto’o, pour ne pas cristalliser des rancoeurs, devrait se soumettre à l’exercice du silence, car tout parle pour lui. Jeune, beau, milliardaire, il gagnerait à se fondre dans les rangs, non comme expression d’une quelconque faiblesse, mais par modestie et humilité, caractéristiques des hommes qui savent ce qu’ils valent. Il serait même souhaitable qu’il ne s’exprime plus que de ses pieds, seule partie de son corps qui fédère tout le monde, y compris ses détracteurs, surtout lorsqu’ils font péter la poudre dans les buts adverses.
Au final, était-ce une si bonne décision que de donner le brassard à Eto’o ? Cette responsabilité ne l’a-t-elle pas plus éloigné du reste du groupe qu’elle ne l’a consacré leader ? Le sociétaire de l’Inter avait il besoin de ce bout de bande sur le bras pour mieux assumer un destin qui lui a toujours tendu les bras ? Ne déclare-t-il pas régulièrement qu’il a « toujours été capitaine au sein des Lions » ? Connaissant l’orgueil bien compréhensible de l’homme, sa propension toute naturelle à peser sur le groupe et sur ses coéquipiers, n’eut-il pas été plus judicieux de le préserver de ce brassard qui l’a plus transformé que transcendé ? La tanière des Lions indomptables n’a jamais laissé échapper autant de bruits de dissensions entre un commandant et ses troupes que depuis l’ère du quadruple meilleur joueur africain. Que ces bruits soient vrais ou faux, ils sont l’expression d’un S.O.S : le navire amiral tangue sur des eaux en furie.
Jean Lambert Nang, Le Jour