2015 restera, à plusieurs égards, une « annus horribilis » sur le front du football camerounais. Nous avons failli à tous les niveaux. Sur le terrain et sur le papier. La chance qui nous a été donnée de revamper un système largement décrédibilisé a été gâchée, sacrifiée à l’autel d’appétits interlopes et de petits arrangements au sein d’une camarilla de petits esprits, sapée par la palinodie toute camerounaise face à l’effort, à la préservation de l’intérêt du plus grand nombre, à la recherche de l’innovation. Nous avons régressé partout.
Et qu’on ne me parle surtout pas des femmes qui auraient, aux dires de certains hermaphrodites, ravivé la flamme footballistique camerounaise. La chute en quenouille du football camerounais ne saurait être tonitruée à travers le monde entier, avec force vuvuzelas et autres youyous, alors que des grincements de dents ne seraient pas déplacés. Je refuse de jouer sur le même terrain que des gogos qui bombent le torse parce qu’ils ont des femmes qui se crêpent le chignon, en mondovision, avec d’autres femmes chaussées de crampons.
Alors, que 2015 finisse vite ! Et qu’on rassemble tout ce qui a été fait, tout ce qui a été écrit, des textes mille fois toilettés aux bulletins de vote, des programmes et des listes de joueurs à géométrie variable, des milliards de la FIFA, de Puma et du Trésor public dont on n’a guère la trace, et qu’on y mette le feu. Je jure que c’est d’un cœur sec que j’assisterais à pareil autodafé.
Mais en attendant, voici donc venir la trêve des confiseurs, les cotillons et la Saint-Sylvestre. L’heure du luth, de l’amour et des libations, a sonné. C’est une tradition qui se perpétue depuis une bonne trentaine d’années chez moi, une tradition faite de gourmandise et de grandes douceurs, des terres percluses de froidure du centre du Québec aux bords du Lac Ébrié à Abidjan, du capitaine du Niger à Bamako aux pennette alla vodka de la via Veneto à Rome… Et puis, le fendant du Valais, dites donc, à Annemasse, sur les hauteurs de Genève… les confiseries de la place de la Cathédrale Saint-Étienne à Vienne… le mbongoo tjobi aux tarots de ma vieille tante à SongMbengué… les tendrons de veau rue de l’Arbre-Sec à Paris… le Blue Monkey Cocostin à Zurich avec Sanga Titi… Quel bonheur quand même !
Je me suis coucouné le ventre pendant cette période-ci sur toutes les places gourmandes du monde, loin du foot. Malheureusement, cette année, un malheur n’arrivant jamais seul, on dirait que la grisaille du foot s’est déversée sur les marchés de la bouffe du pays. Les prix qu’on y pratique, vous avez dû le remarquer, sont tout à fait consternants. Par exemple, tenez : une douzaine de brindilles de crevettes à Kribi, à une heure de chez moi, 3 500 francs ! Je crois avoir vu ces pauvres crustacés se raidir d’épouvante devant leur propre prix.
Alors que je vous propose donc l’amour, tout simple, avec mon jarret de bœuf désossé au pinot noir. Un litre de bon rouge fera l’affaire. I kilo de viande, que vous faites revenir dans une cocotte à fond épais, ensuite des carottes, 1 navet ou 2, 2 poireaux, ail, thym, laurier à volonté, sel et huile d’olive de première pression à froid. Un peu de concentré de tomates, poivre blanc, vinaigrette. 1 litre de vin de bourgogne (ou autre). Couvrir et cuire à four chaud pendant 1 heure 30. Servir la viande en grosses tranches arrosées du jus de cuisson qu’il faudra réduire.
Une quinzaine de minutes avant la cuisson, mettre dans la cocotte de gros quartiers de pomme de terre. Et puis, pourquoi pas faire une infidélité à la Bourgogne gouleyante pour mon Pauillac favori, le château Lynch Bages ? Demain, je vous dis pas, le roi ne sera pas mon cousin !
Léon Gwod