Il est raisonnable d’exciper d’une situation d’extrême tristesse comme celle que nous subissons sur le front du football pour justifier les solutions tout aussi extrêmes que nous préconisons. Tuons les Lions. Renvoyons M. Iya à ses champs de coton ; M. Mveng à ses fioles d’apothicaire ; M. Batamak dans une cage d’où on n’entendrait plus ses jappements de petit roquet ; M. Zoah à l’alphabétisation des adultes pourquoi pas ; M. Tombi loin, très loin peu importe où. Démantelons la Fécafoot et la camarilla de pique-assiettes qui festoient sur le foot ans le moindre égard ni pour son essor ni pour l’image de notre pays.
Les solutions extrêmes présentent l’avantage, corrélatif de leur défaut, d’être simples sur le papier. Elles sont presque toujours envisagées dans un état de grand désespoir ou de lassitude psychologique. C’est au moment de l’exécution, lorsqu’on est plus calme et plus réfléchi, qu’on découvre le défaut des positions radicales.
Le grand délabrement du football au Cameroun est, c’est clair, le fait des hommes passivement soutenus et encouragés par un pouvoir étranger au souci de l’intérêt public. La correction de la dérive n’est pourtant pas, paradoxalement, une affaire de personnes. M. Iya n’est rien ; MM. Mveng, Zoah, Tombi, Milla, Essomba Eyenga et les autres ne sont rien. Le socle de leur pouvoir est en stuc. Leur départ, qui arrivera inéluctablement, ne règlera malheureusement rien.
Parce que cette race de gens se renouvelle sans cesse dans un terreau aussi favorable qu’est le Cameroun, dirigé à la plupart des échelons par des gens que n’intéresse que le côté jouissif du pouvoir et animé par une vaste masse de gogos heureux des tranquillisants qui leur sont régulièrement administrés et émerveillés jusqu’à l’asservissement par la pompe et les vanités des puissants en fer blanc. Le problème est que le rapport de forces est et risque d’être longtemps largement défavorable au reste des Camerounais. Et c’est de notre faute.
Prenez ce Prozac, cet os, que la Fécafoot et le MINSEP jettent régulièrement aux chiens lobotomisés que nous sommes : le sélectionneur des Lions. Tous les dix-huit mois en moyenne depuis une dizaine d’années, le débat tourne autour du coach des Lions et accapare toutes les énergies et suscite toutes les passions des Camerounais, comme si le problème du football au Cameroun se résumait à l’encadrement de l’équipe nationale. Et nous tombons dans ce piège tout le temps, les yeux fermés, la tête en l’air, heureux de croire que nous participons au débat.
Pensez donc : nous nous laissons berner par des gens, les mêmes, qui depuis plus de dix ans n’ont pratiquement rien de positif à leur actif et n’ont rien de particulièrement encourageant à proposer pour l’avenir. Le premier d’entre eux, M. Iya, que j’ai supplié d’abandonner parce qu’il n’avait rien à proposer hors sa relative décence, gâte son nom depuis 1985 et ne semble pas s’en soucier outre mesure. Pour mémoire, dans les années 90, au début du règne de M. Iya à la Sodecoton, l’entreprise publique produisait bon an mal an environ 300 000 tonnes de coton. Elle peine à en produire 100 000 dix ans plus tard. Je ne vais pas vous parler de la vertigineuse dégringolade du Cameroun du hit- parade des pays de football depuis l’ère Iya. Le dégoût que cet homme est entrain de provoquer va largement dépasser la répulsion suscitée par exemple par M. Vincent Onana. Ce qui n’est pas peu dire…
La tyrannie de ces personnes sans grand relief dans le fond est certes une calamité, mais elle ne survivrait pas longtemps si, finalement, on mettait fin à une autre tyrannie, plus insidieuse et plus inacceptable, celle du tout-football au Cameroun.
Des énergies et des ressources énormes sont consacrées au Cameroun à une activité qui intéresse régulièrement moins du dixième des Camerounais sous le prétexte qu’elle concourt au raffermissement de notre image à l’étranger et de notre fierté. Non seulement cela est faux depuis longtemps, mais la vérité est que depuis l’accident de 1990 nous sommes de plus en plus la risée de tout le monde et la tête de turc des puissances aussi terrifiantes que la Guinée-Équatoriale et le Burkina Faso. L’État camerounais recrute et paie des entraîneurs de football, verse des primes à des fonctionnaires, affecte un Premier ministre au règlement de vulgaires différends entre clubs de football. Cela n’a aucun sens et doit cesser, surtout dans un contexte où le même État ne semble pas faire preuve de tant de générosité et de vigueur pour ses grandes missions souveraines.