Ceux qui ont pensé que le pendule ne pouvait que pencher du côté d’un embellissement avec le départ du MINSEP de M. Mbarga Mboa, le dandy vieillissant au col amidonné, ont largement eu le temps de déchanter. Je ne rappellerai pas à mes lecteurs que j’ai dit ici que M. Edjoa n’avait ni l’ambition ni la capacité de moderniser le sport et la pratique de l’activité physique au Cameroun. La tentation totalitaire, corrélative de la logique du coup d’État permanent, qui aiguillonne le moindre haut commis issu du parti-État, est entrain de ravaler notre ministre au rang des rigolos dont on se paie la tête dans les buvettes.
C’est tout ce que je peux proposer d’original à mes lecteurs comme explication de l’incroyable légèreté avec laquelle M. Edjoa s’est rappelé à notre souvenir ces derniers temps. L’incidence de son ukase surréaliste concernant le report du début du championnat s’est à peine estompée qu’il s’est remis, avec son instruction sur le renouvellement des organes des fédérations sportives, à son passe-temps favori, à savoir bateler pour prendre la forteresse Fécafoot.
Les deux sorties de M. Edjoa procèdent de la vieille logique de l’administration en régime de parti unique. Le réflexe totalitaire et le besoin de tout régenter, de tout contrôler et de tout décider par décret ou instruction lapidaire, plombent toute recherche de consensus, avivent les tensions et vont finir, dans le cas qui nous concerne, à enlever toute crédibilité et à la personne du ministre et, c’est terrible à croire, à la fonction ministérielle même.
Il est légitime, chez nous, de penser que les ministres et les hauts fonctionnaires ne connaissent pas toujours, pour la plupart, le rôle qui est le leur. Pourtant, le rôle d’un ministre de la République paraît clair : faire appliquer la politique publique dans sa sphère de compétence et prendre soin des institutions qui livrent cette politique aux populations camerounaises. M. Edjoa, s’il ne le savait pas, a quand même une foule de conseillers qui le lui auront soufflé. Alors, pourquoi notre ministre s’embourbe-t-il dans des combats qu’il ne peut pas gagner et qui, pire encore, ne le grandissent ni lui ni sa charge ?
M. Edjoa a le pouvoir et le devoir de s’immiscer dans les affaires de sport au Cameroun, à tous les niveaux. Il n’a pas le pouvoir ni la légitimité de tout régenter à sa guise. La politique publique camerounaise en matière de sport, dont il doit assurer l’application, est articulée dans une charte publique. Le premier réflexe d’un ministre moderne qui se soucie de sa fonction serait, chaque fois que le besoin de réforme se fait sentir, d’utiliser ce texte pour imprimer une orientation nouvelle à la pratique de l’activité physique.
L’objectif suivi par notre ministre vaut ce qu’il vaut, et je comprends que des Camerounais le soutiennent. Mais la manière dont il s’y prend n’est pas acceptable parce qu’elle foule au pied deux grands principes qui guident les administrations modernes, soit le respect des textes et la protection des institutions.
Ce n’est pas par le cautère d’instructions mal avisées que M. Edjoa fera entendre la voix de l’État. S’agissant de la Fécafoot – parce qu’il est clair que c’est elle que le ministre cherche en premier – M. Edjoa, qui semble manquer de la capacité de travail nécessaire pour réviser le texte de la Charte des sports, peut s’appuyer sur les membres de l’Assemblée générale de la fédération pour modifier les choses. S’il ne peut pas les convaincre par l’à-propos de ses arguments, il peut utiliser la bonne vieille formule de chez nous qui consiste à acheter une conscience par ci par là. Cela s’est déjà vu.
Si la Fécafoot joue avec succès les vierges offensées, c’est bien de la faute du ministre. D’abord, il faut comprendre une fois pour toutes que cet organisme est une institution publique importante, riche et solide. Elle peut donc se défendre. Ce n’est pas nécessaire de lui donner les moyens de montrer qu’elle a raison.C’est ridicule pour M. Edjoa de monter à l’assaut de cette citadelle en brandissant des pétards mouillés.
Ensuite, la Fécafoot n’est pas M. Iya. La tête du président donne sans doute de l’urticaire à l’atrabilaire professeur, mais cela ne devrait pas amener celui-ci à perdre son calme à la moindre occasion. En dépit de ses déficiences, de sa réputation au mieux branlante et de la camarilla de vieux copains qui la gèrent, la Fécafoot reste une institution de premier plan que le ministre des sports a la charge de protéger et, s’il le faut, de défendre à tous les prix. Une institution doit être protégée. C’est la somme de toutes les institutions qui forme le socle d’un État moderne. On ne peut pas éternellement chercher à nuire à la moindre institution qui veut s’émanciper d’une tutelle trop prégnante. Cet esprit de coup d’État permanent doit cesser.
Que le ministre réforme, modifie, révise. Mais qu’il le fasse dans les règles et la considération, sans brimade ni bousculade. D’ailleurs, il a beau rouler les mécaniques, on voit bien qu’il est tombé sur un os. La détestable palinodie qui caractérise ses actions, la danse Bafia dont il est féru, tout va revenir. Est-ce que j’avais utilisé le terme lamentable sous couleur d’oraison funèbre pour PMM ? Il faudra donc que je trouve un autre mot bientôt.