Le dernier match Égypte-Cameroun, de triste mémoire, nous rappelle avec douleur le non moins triste Philippe Mbarga Mboa, le dernier parmi les lamentables personnages dont nous gratifie de temps à autre notre Manitou à tous. Un fils du plateau Atemengue, à un jet de pierre de notre cuvette maudite, a attendu plus de trente ans pour enfin entendre les tonitruantes malédictions que les parents et ancêtres de K-Tino n’ont jamais cessé de proférer à l’encontre du Stade Ahmadou Ahidjo.
Monsieur le ministre, inquiet, était allé « donner à manger » aux gens de Nfandena. Qui ont bien sûr bouffé, les dents serrées néanmoins, tout en maudissant encore plus ce Mvog Atemengue plein de morgue venu humilier encore plus les Tsinga en croyant que c’est avec quelques billets qu’il pouvait restaurer la paix des ancêtres troublée à jamais par les pioches d’André Fouda.
L’histoire retiendra que depuis 1972 nous peinons à remporter des matchs décisifs à Nfandena. Peu importe la cause profonde du malaise, mais la communauté des supporters des Lions estime qu’avant de lâcher une horde de Chinois sur un autre terrain de la région, M. Edjoa doit s’assurer que la malédiction de Nfandena ne poursuive pas notre équipe à Olembé.
Justement, à propos d’Olembé, je considère qu’il y a péril en la demeure, surtout si l’on prend en compte les divers éléments du puzzle sportif-immobilier-financier-politique et ethnologique qui se dessine petit à petit.
Olembé sent la poisse depuis un certain nombre d’années. Mon ancien condisciple à Libermann, Joseph Edou, en sait quelque chose. Son projet d’Olembé est un vrai joker dont il n’a jamais pu se défaire. N’a-t-il pas, comme le fait notre ministre actuellement, entrepris de construire une cité dans ce village avec des deniers chinois ? Rien, d’après ce qu’on dit, ne serait sorti de terre, mais l’argent englouti n’aurait pas été perdu pour tout le monde. C’est un bruit, bien sûr, ne sautons pas à des conclusions trop hâtives…
Toutefois, un enseignement capital que fournit la mésaventure de Joseph et dont peut bénéficier Augustin Thierry est le suivant : M. Mama Fouda, patron de la MAETUR, peut, sur simple demande, offrir gratis 70 hectares de terrain à bâtir à Olembé. Il les a encore, Monsieur le ministre, puisqu’il les a retirés à M. Edou une fois le projet de mon ancien pote ayant capoté. Il suffit de lui demander gentiment et pourquoi pas, de soutenir les ambitions qu’on sait qu’il nourrit.
L’offre de M. Fouda, que nous prenons pour acquise déjà, aurait un double avantage. L’avantage financier est clair et indiscutable. Pourquoi acheter un terrain qu’on peut avoir pour rien ? Mais il n’est pas déterminant. Ce qui est déterminant, c’est la possibilité que la MAETUR, par personne interposée, contribue à apaiser les Yanda d’Olembé.
Pour notre nouveau stade, il n’y a pas de doute, les choses se présentent presque aussi mal qu’il y a trente-cinq, lorsque M. André Fouda, un Mvog Ada honni des Mvog Ekouss depuis qu’il avait fait gommer les archives municipales pour remplacer Ntougou, le nom de leur village, par Tsinga, a autorisé qu’on déterre les ancêtres des Emombo de Nfandena pour construire un stade de football. Aujourd’hui, c’est M. Edjoa, un Edzoa, un Emombo donc, qui laisse ses ancêtres à lui dormir en paix à Kondengui pour s’en aller, en compagnie de M. Melingui, un Mvele d’Esse, porter le glaive dans le ventre des Yanda. Ces derniers, comme les Troyens, auraient raison de se méfier des cadeaux des Mvog Edzoa.
La situation est terrible. On peut envisager plusieurs scénarios d’apaisement, mais il y en a un qui nous semble particulièrement attrayant. Nous conseillons au ministre de donner à « manger », immédiatement, aux Yanda. Il ne faudrait pas que l’ombre d’un petit Chinois se dessine sur le sol d’Olembé avant que cela soit fait. Ensuite, nous estimons que le calumet de la paix avec les Yanda se fumerait mieux entre gens d’affinités plus proches. C’est ici qu’interviendrait avec beaucoup d’efficacité la MAETUR.
M. Mama Fouda, ministre et patron de cette grande entreprise, est déjà sur place à Olembé. Ce qui ne gâche rien, tout comme notre ministre à nous, M. Fouda est un Edzoa, de Nsam certes, mais un Edzoa quand même. L’idée ici, c’est que non seulement nous estimons que deux Edzoa à Olembé sont plus rassurants qu’un Edzoa et un Mvele, mais qu’une telle union serait de nature à prévenir l’éclosion, chez les Yanda, d’une perception particulièrement pernicieuse.
Pensez donc : notre ministre, comme nous l’avons dit, est un Emombo, donc un cousin proche des gens de Nfandena. En le voyant déparquer à Olembé avec des gens qu’ils ne connaissent pas, les Yanda seraient en droit de penser qu’il vient chez eux, par méchanceté, leur faire ce que le Mvog Ada Fouda Omgba Nsi avait fait à ses parents de Nfandena il y a trente-cinq ans. Cette terrifiante perception peut être évitée en associant un Edzoa de Nsam à la construction du stade.
Mais ce n’est pas tout, bien sûr. Notre ministre, un fils Emombo donc, est entrain d’enlever à ses parents un monument certes porteur de beaucoup de rancoeurs, mais néanmoins très important pour le village, pour l’emmener loin chez les Yanda. En fait, cela équivaut ni plus ni moins à tourner le fer dans la plaie.
Dans la grande famille béti, s’il y a un groupe qu’il ne faut pas chercher, c’est bien les Mvog Edzoa. Le fondateur de cette famille tentaculaire, Edzoa Mbede, mort il y a plus de quatre-vingts ans, reste le sorcier le plus puissant et le plus craint de la région. Son fameux cheval blanc, qui apparaît de temps à autre, fait trembler tous les Emombo. Nous pensons que la malédiction qui pèse sur notre stade, c’est lui. Et nous avons des raisons de croire qu’il ne sera pas content de l’action de M. Edjoa, un de ses arrière-petits-fils. Le stade d’Olembé n’est donc pas à l’abri de son action.
Alors, Monsieur le ministre, il est temps de retourner à Nfandena vous faire laver le visage chez vos plus-que-parents. Ensuite, faites comme vous voulez, allez à Olembé avec les Mvog Manga, les Mvog Mbi, les Yetoudi, les Bene et même avec les Chinois, mais arrangez-vous que dans trente-cinq ans un autre match Égypte-Cameroun ne se solde pas par notre élimination de la Coupe du monde par l’action de votre illustre et terrifiant aïeul.