Les révélations de la police et justice américaine ont mis à nu les dessous de table que s’attribuaient les membres du Gouvernement mondial du Football dans l’attribution de l’organisation des coupes du monde, et l’attribution des droits tv et la publicité. Que le fair-play repose en paix !
Il y a des jours comme ça où le citoyen ordinaire de République cacaoyère se demande s’il vit sur la même planète que les citoyens de Républiques charcutières d’Europe. Quand il apprend que la majestueuse excellence de la FIFA, la République cacaoyère du football mondial démissionne après avoir été élu président pour quatre nouvelles années. Chez nous, un président d’une République ou président de quelque chose ne démissionne jamais, c’est une clause contractuelle qui n’existe pas dans le contrat à durée indéterminé d’un président.
Sep Blatter, après le scandale de corruption mis au jour grâce aux investigations de la police et de la justice américaine, a dû faire face à la République cacaoyère du football qu’était devenue la Fifa depuis le temps qu’il la dirige. Mais en République cacaoyère, le poste de président, même sali de scandales, de corruption, de sang, reste aussi délicieux qu’une dame-jeanne de vin de palme recueillie au sommet d’un palmier, accompagné d’une noix de cola pimenté. Bref, en République cacaoyère, un président ne démissionne pas, il s’accroche jusqu’au suicide.
Ha, on dit que certains membres du Comité exécutif, pour l’instant jusqu’au vice-président, ont reçu des bakchich dans l’attribution des coupes du monde de l’Afrique du Sud, de la France, du Qatar? Que des dessous de table ont été servis à certains responsables de la Fifa pour la signature de contrats de sponsoring ou des droits de retransmission de match de la Coupe du monde? Que de l’argent a été siphonné, blanchi, rétrocédé en pot-de-vin, depuis plus de 20 ans entre responsables de la Fifa, responsables de confédérations, partenaires marketing et communication. Au moins 15 responsables de la Fifa et leurs partenaires ont été inculpés depuis le 28 mai pour 47 chefs d’inculpation pour 5 responsables de l’organisation dont 2 vice-présidents pour des faits concernant pas moins de 150 millions de dollars. Une vraie mangeoire, dans laquelle se sont enfarinés et embourgeoisés les personnes inculpées. Et l’enquête qui mobilise le Fbi, la justice américaine et Interpol ne fait que commencer. C’est dans ce capharnaüm que Joseph Sepp Blatter, à la tête de l’organisation depuis 1998, a été réélu le 29 mai à Zurich en République Charcutière de Suisse pour un mandat de 4 ans. Coup de tonnerre, le 2 juin, il annonce son intention de démissionner à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire qui devra se tenir à la fin de l’année 2015 et le début de l’année 2016.
L’homme par qui le scandale est venu est pourtant une des grosses légumes de la planète football. Chuck (Charles) Blazer, alias “Monsieur 10%” est l’ancien secrétaire général de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf); et collabore depuis près de 5 ans avec le Fbi et la justice américaine afin de sauver sa tête de chefs d’’inculpation relatifs au racket, au blanchiment d’argent et à l’évasion fiscale, dont il a été reconnu. C’est lui donc qui aurait permis de faire des enregistrements discrets à l’aide d’un porte-clés au cœur du Comité exécutif de la Fifa. Il faut dire que « Monsieur 10% » n’a rien à envier aux pratiques cacaoyères en matière d’abus de biens sociaux: il s’est fait acheter une Hummer par la Concacaf, s’est fait payer des séjours dans des résidences de luxe et des voyages en jet privé aux frais de la Concacaf.
Monsieur 10%
Le président de la République Cacaoyère du football mondial a dit qu’il allait assainir la maison avant de passer la main, et s’est excuse aussi maladroitement qu’il a pu en disant qu’il ne pouvait pas Controller tout le monde dans son Gouvernement. Sepp Blatter a surtout compris que les carottes étaient cuites et que tôt ou tard, et plus tôt que tard, la fange immorale de la gestion du football mondial allait remonter jusqu’en la personne de celui qui ne pouvait ne pas savoir tout le pandémonium financier qui se tramait au sommet de la Fifa. D’ailleurs, l’ex président de la Concacaf, Jack Warner, homme politique de Trinidad et Tobago, recherché par Interpol mais faisant des apparitions publiques politiques et médiatiques, ne menace-t-il pas de fournir des documents prouvant l’implication directe de Sepp Blatter dans le scandale de corruption de l’attribution de l’organisation de coupe du monde, des droits de retransmission et marketing des évènement sportifs organisés par cette multinationale du foot business plus puissante que l’Onu ? Au rythme auquel les langues se délient (notamment l’achat du silence de la Fédération irlandaise de football après la qualification de la France au mondial sud-africain sur une main de Thierry Henry), Blatter a sauvé les meubles d’un mandat de trop qu’il aurait trainé dans un concert avilissant et cacophonique de casseroles les plus abjectes sur les pratiques honteuses du Gouvernement mondial du football qui se comportait comme une vraie Cosa nostra. Oui, si Fifa=Mafia, dans ce cas, il y a forcément un parrain…Ou un paria. Pour l’ex-dieu vivant du Foot, Diego Armando Maradona, Sepp Blatter est le parrain de cette mafia sicilienne au cœur du ballon rond depuis que, sur 5 mandats, il gouverne à la tête de la Fifa. Maradona qualifie en effet Blatter de “Le parrain”, et “dictateur à vie”…Bon, Diego, on va retirer le nom d’oiseau de “dictateur à vie”, il a déjà démissionné le Suisse de 79 ans. Et comme on le sait, un Parrain qui démissionne, c’est jamais bon signe pour lui… En reprenant les mots de la justice américaine, “corruption endémique […] profondément enracinée”, Blatter a compris que le parrain serait touché. Que le film était terminé. Le vin tiré. A présent, trinquez donc, monsieur Blatter ! Jusqu’à la lie. Pensez à aller déposer au passage une gerbe de fleur sur la tombe du fair-play.
François Bimogo
* Un regard impertinent sur l’actualité socio-politique et culturelle du Cameroun et de l’Afrique. Histoires de Républiques Cacaoyères et de république Charcutière.
Pour lire/écouter/voir ces chroniques, comme leur auteur, François Bimogo, il faut adorer les Républiques Cacaoyères.
⃰ ⃰ Droit de reproduction soumis à la mention de la source.