La rumeur veut que les femmes qui ont joué au ballon pendant une compétition internationale au Canada refusent les primes que l’État du Cameroun, au demeurant pas toujours capable de nous soigner ou de construire des routes décentes, serait disposé à leur verser pour un service rendu qui ne concourt en rien à l’élévation du niveau de vie d’un grand nombre de Camerounais.
Qu’elles refusent ou qu’elles réclament plus de sous, c’est leur droit. Mais qu’elles se rebiffent parce qu’elles exigent d’être exonérées de tout impôt sur des fonds publics décaissés à leur faveur, alors il y a maldonne.
On nage en plein délire. De quel droit des citoyens camerounais qui gagnent un revenu au Cameroun exigeraient-ils de ne pas être imposés ? Payer un impôt sur le revenu n’est pas une option. C’est la règle, c’est la loi qui s’applique à tous les contribuables, qu’ils jouent au ballon ou non. La posture de nos dieux – et maintenant de nos déesses – des stades face à certaines obligations citoyennes, l’exigence de passe-droits de tout genre, la morgue avec laquelle la plupart exigent reconnaissance et soumission, tout cela est non seulement intolérable, mais aussi ridicule.
Il y a plus, évidemment : les femmes du ballon savent quelque chose que nous ne voulons pas toujours savoir. Dans le microcosme du football de haut niveau, l’impôt sur le revenu ne semble pas être une pratique courante. Per diems, avantages en nature, versements en liquide, primes aux Lions, aux accompagnateurs et aux techniciens, semblent tous échapper à l’impôt. L’État du Cameroun est pris en otage par quelques Camerounais boursouflés de suffisance parce qu’ils savent pousser un ballon. La prime au Cameroun, c’est quasiment une rançon.
Que le responsable des finances publiques décide enfin de faire appliquer la loi, aveuglément comme il se doit, est une bonne chose. C’est dommage évidemment que ça soit les femmes qui trinquent en premier, mais il faut bien commencer quelque part. En encourageant donc le ministre des Finances à considérer le mouvement d’humeur des femmes comme un non-événement, nous conseillons fortement à celles-ci, au cas où elles seraient vraiment dépouillées par le fisc et n’auraient plus rien à se mettre, d’utiliser leur feuille d’impôt comme feuille de vigne.
Léon Gwod