On en a déjà parlé. Les Bulgares, un peuple que j’aime beaucoup, avaient l’habitude de dire qu’on ne sait jamais quand un cochon devient un porc. C’est un peu comme ça qu’ils exprimaient le pessimisme avec lequel ils entrevoyaient leur existence à l’ère soviétique. Les choses, assez mauvaises au jour le jour, ne pouvaient qu’empirer à terme. Ce n’était qu’une question de temps.
Nous ne sommes pas des Bulgares, mais l’hallali que vient de sonner M. Edjoa en interdisant le début du championnat, loin de déboucher sur la mise à mort de la bête qui lui donne de l’urticaire, gomme totalement le peu de crédit que pouvait encore avoir l’organisation du football au pays et nous ravale pour de vrai au rang de pieds-nickelés. L’ukase de M. Edjoa, vous pensez bien, n’arrive pas par hasard. Il s’inscrit plutôt dans une logique de lutte à mort, que les pouvoirs publics, le MINSEP en premier sans doute, maquillent en souci de bonne gouvernance et de respect des textes.
Prenez par exemple le problème Diamaor, qui a explosé chez nous il y a quelques mois. Les tensions qui s’exercent sur l’appareil de production de cette huile sont connues depuis des années. Les mêmes tensions plombent l’offre de riz, d’électricité, de sucre, de ciment, depuis des lustres, sans grand souci constant de l’Etat. Mais laissons de côté la palinodie des pouvoirs publics camerounais en ce qui concerne le sucre et le ciment, et revenons à Diamaor.
En situation d’offre déficitaire, le médicament le plus banal que prescrivent les économistes les plus ordinaires consiste à utiliser simultanément l’investissement et la variation de la durée des équipements de production. C’est une recette valable, si on cherchait réellement à équilibrer l’offre et la demande d’huile raffinée au Cameroun. Malheureusement pour la Sodecoton, puisque vous avez très bien compris que c’est de cette entreprise qu’il est question, le pouvoir en place vient seulement maintenant de s’apercevoir qu’elle était dirigée par un certain Iya, Mohamed, accessoirement président de la Fédération camerounaise de football.
L’occasion est donc belle à la fois de faire semblant de régler la situation de la Sodecoton et, en même temps, de se défausser enfin, par le cautère d’une loi interlope, de M. Iya, joker poisseux qui colle aux doigts du clan depuis des années.
Le projet de loi qui se prépare en tapinois dans la sphère du pouvoir est, au choix, ignoble ou comique. Une fois adoptée, la nouvelle loi, qui n’est pas comme on le pense une loi à tête chercheuse mais plutôt une loi ouvertement anti-Iya, aurait pour effet d’interdire à tout dirigeant d’une entreprise publique ou parapublique et à tout cadre d’une collectivité publique de diriger une association sportive nationale. M. Iya retournerait donc à Garoua, et la Sodecoton, par magie, retrouverait toute sa vigueur. Accessoirement, le prochain MINJES se libérerait du poids d’un président de la Fécafoot prompt à faire donner la FIFA chaque fois qu’on le bouscule un peu.
Comique, ce projet de loi l’est à mort, et c’est bien. On n’a pas eu beaucoup d’occasions de rigoler au pays depuis Zéro Morts et l’inénarrable épopée de la mallette d’argent qui se balade depuis 1994 entre Paris et Los Angeles. Alors, que ce projet devienne rapidement loi ! On va rire, parce qu’on va se rappeler qu’il n’existe pratiquement personne d’importance dans les cabinets ministériels, à l’exception sans doute de mon vénéré confrère Linus Fouda, qui ne soit PCA de ceci ou administrateur de cela. Les jetons de présence vont bientôt changer de main.
La dernière grande sortie du MINJES, vous le voyez bien, n’est pas si anodine que cela. Mais elle ne nous fait pas vraiment rire. Nous sommes des Camerounais, nous gobons tout, cela est vrai. Mais nous ne sommes pas des couillons, quand même ! Respect des textes, chez nous ? Doit-on rappeler au ministre, qui se prépare sans doute à « tchouker » encore le ballon devant M. Biya lors de la finale de la Coupe du Cameroun 2008, que la date de cette manifestation n’est toujours pas connue ?
Doit-on rappeler au ministre que la trentième journée du championnat 2007-2008 qu’il a cautionné s’est déroulée le 6 juillet 2008, soit quatre mois après le début prévu dans les textes du championnat 2008-2009 ? Peut-on rappeler au ministre que les textes ne disent pas qu’il peut, quand bon lui semble, annuler le début d’un championnat dont l’organisation est confiée, toujours selon les textes, à la Fécafoot ?
Sous couleur d’oraison funèbre anticipée, disons ici que M. Edjoa a vécu et qu’il est entrain de mourir du mal qui a emporté ses prédécesseurs. Mélange des genres, incompréhension du rôle d’un ministre de la République, micro-mangement, abus d’autorité. Morgue. On en meurt plus souvent qu’on le pense.