Je faisais remarquer il y a quelque temps aux nombreux gogos qui infestent la scène footballistique camerounaise, au moment où mes compatriotes bombaient le torse devant des échangeurs simplifiés et un ridicule palais des sports de cinq mille places, que le Palais des sports de Treichville, à Abidjan, déjà vieux de plus de quinze ans, en comptait 15 000.
La Côte d’Ivoire, un peu comme le Sénégal, n’a pas de stade. Du moins pas le genre tonitruant de béton dont sont toqués mes compatriotes. A Abidjan et à Dakar, il y en a juste un pour tout le pays, tout petit, mais un vrai bijou au gazon manucuré, soigné et entretenu jalousement, fonctionnel et convivial.
Mes lecteurs qui ont vu Dakar ces cinq dernières années n’ont pas manqué de remarquer la transformation de cette vieille bourgade endormie qui, au terme d’un énorme programme de travaux, est devenue une étincelante métropole moderne ceinturée de voies rapides, enrichie de réseaux d’égouts et d’approvisionnement en eau et en énergie. Et le plus important, ce programme d’investissements publics a eu pour effet de doper l’emploi des jeunes Sénégalais et de raviver l’espoir de ces derniers.
A Abidjan aujourd’hui, le pendule penche résolument du côté d’un embellissement généralisé de la qualité de vie des populations. Le lancement des travaux de construction du troisième pont de la ville, qui va de pair avec la réfection des voies de communication et la construction de nouvelles voies rapides et de réseaux d’assainissement, a permis le recrutement de milliers de jeunes et devrait, à terme, donner à cette grande ville déjà passablement bien équipée, le statut de ville internationale moderne.
A quoi servirait-il, au fond, de construire de nouveaux stades au Cameroun, alors que nous sommes totalement incapables de prendre soin des deux que nous avons ? Aurions-nous vraiment à rougir, si cela était possible, devant des Équato-Guinéens, si nous pouvions accueillir des compétitions internationales dans des stades retapés, remis à niveau et, surtout, confiés aux soins et à la garde de sociétés privées chargées de les préserver et de les rentabiliser au besoin ?
La construction de stades ne peut pas avoir préséance, dans les atroces villes où nous vivons comme des clochards, sur la construction et la réhabilitation de systèmes d’assainissement et de routes acceptables. Elle ne peut être justifiable que dans le cadre d’un Plan Marshall axé sur la démarginalisation des jeunes, le renforcement de l’autonomie des populations et, plus généralement, l’élévation du niveau de vie par l’emploi, la santé et l’éducation. Actuellement au Cameroun, le football n’est pas, loin s’en faut, un facteur de développement qui devrait accaparer des ressources publiques.