Paul Le Guen et ses troupes se sont finalement envolés vers leur destination finale, l’Angola, en passant par le Kenya où ils s’établiront jusqu’au coup d’envoi de la Can, le 10 janvier. Pourquoi le choix du Kenya, pourtant géographiquement situé aux antipodes de l’Angola et bercé par un tout autre océan que celui dont les brises balaient le pays hôte ?A moins d’une explication scientifique solide, il n’est pas superflu de s’interroger sur les mobiles de cette escale qui déroute considérablement les Camerounais de leur point de chute final. Ni physiquement ni culturellement et encore moins climatiquement, le Kenya n’est l’Angola.
Seulement voilà, le sélectionneur national a choisi Naïrobi pour y « acclimater » ses poulains. Et personne n’ y a rien trouvé à redire, les décisions du Français passant depuis belle lurette auprès des autorités de notre football pour des évangiles. Honnit soit qui mal y pense !
La Fécafoot a si bien préparé le terrain de la pensée unique autour d’elle et des échéances internationales du Cameroun, qu’elle a nommé presque tous les responsables des services des sports des médias publics et privés à des postes de responsabilité dans ses organes. La passivité de tous est ainsi acquise, la messe dite, l’esprit critique anesthésié, le silence radio de rigueur. Ainsi peut-on faire passer des décisions naguère inadmissibles comme de mettre l’équipe nationale au vert, cinq jours seulement avant une compétition de l’envergure de la Can, à Naïrobi, ou encore de s’empêtrer dans des sélections de joueurs n’ayant pas de passeport camerounais, sans que le microcosme s’émeuve le moins du monde…
Les temps ont vraiment changé depuis que la sélection est régentée par M. Le Guen, à qui l’on concède jusqu’à ses moindres caprices dont celui de sacrifier les Lions indomptables sur l’autel de ses piges à Canal +. Notre intention n’est pas de peindre tous les actes de M. Le Guen en noir ; mais l’unanimité quasi religieuse qui accompagne chacun de ceux-ci, même quand ils mériteraient quelque bruissement de l’opinion, n’est pas d’ordre à lui faire, prendre conscience de l’importance du football dans notre pays.
L’histoire des Lions indomptables est malheureusement jalonnée de faits têtus qui ont, à chacune de leurs méprises, de leurs excès de confiance ou de leur indiscipline, sanctionné sans appel leur parcours. Ainsi de l’absence à la Coupe du Monde de 2006, qui leur semblait pourtant acquise. L’Egypte les rappela brutalement à l’ordre, dans leur jardin de Yaoundé. Ainsi aussi des phases finales des Can de 1990 en Algérie, 1996 en Afrique du sud, 1998 au Burkina Faso, 2004 en Tunisie et de la Coupe du Monde de 2002 au Japon. Alors que le pays tout entier baignait dans une allégresse complice et n’imaginait pas le pire pour sa sélection, les résultats du terrain vinrent à chaque fois sanctionner l’impréparation de nos ambassadeurs. Encore que, à l’époque, certaines voix s’étaient élevées pour tirer la sonnette d’alarme. Mais elles furent vite emportées dans le vacarme de victoires promises.
Aujourd’hui, au nom d’une certaine « union sacrée » autour de nos plénipotentiaires, il est recommandé à l’ensemble de la presse nationale d’avaler toutes sortes de couleuvres et surtout de « la boucler ». C’est renier à cette même presse son rôle de gardien du temple, de vigilance et de prévention. Après, il sera bien plus facile, à ceux qui embouchent aujourd’hui les trompettes de l’unanimisme, de sortir ensuite leurs canons à bille et de flinguer ceux qu’ils ont encensés.
Que l’on ne s’y méprenne guère cependant. S’agissant du football et des Lions indomptables, tout en refusant d’être comptables de la brume épaisse qui entoure leur préparation et leurs objectifs avoués, nous ne pouvons que leur souhaiter le meilleur pour la Can angolaise. La Coupe d’Afrique des nations ne saurait être considérée comme une petite compétition, vite bâclée, sur la route qui mène en Afrique du sud. Elle sera la jauge de nos capacités à pouvoir affronter des adversaires plus costauds et plus affûtés. Elle sera la mesure de nos chances à aborder la Coupe du Monde avec assurance et sérénité. Elle peut marquer un coup d’arrêt dans la carrière de certains de nos joueurs ou la relancer sur de nouvelles bases. Mais en tout cas, elle mérite qu’on la prenne au sérieux.
Jean Lambert Nang, Le Jour