Qu’avons-nous fait de nos cinq participations à la Coupe du Monde de football ? Que nous vaudra-t-il de participer à la prochaine édition en Afrique du Sud ? Voici deux questions, parmi tant d’autres, que nous sommes peu nombreux à nous poser, grisés que nous sommes par le palmarès et le classement élogieux qu’affiche notre pays sur le continent, en matière de football.
Si l’Espagne, en 1982, fut le galop d’essai qui nous ouvrit les yeux et nous fit voir un peu plus clair sur les enjeux du foot business, que dire alors de l’Italie, en 1990, du parcours exceptionnel des Lions Indomptables, et son augure de lendemains glorieux pour notre football ? Que n’avions-nous vite déchanté ! Et pour cause : nous étions nombreux à rêver des stades que le monde entier construirait dans chaque coin du Cameroun, en reconnaissance au jeu de reins très enflammé de Roger Milla. Qui n’imagina pas nos villes et campagnes, soudain envahies par des hordes de touristes provenant de la planète entière, à la quête des charmes enchanteurs et de la magie envoûtante du pays des Lions Indomptables ? Nous avions pris nos lubies pour des réalités. Le quotidien du football camerounais ne s’est nullement ressenti des exploits de ses footballeurs. Bien au contraire.
Le credo de la Fifa et de son président, au moment où ils décidèrent d’activer le principe de la rotation par continent de l’organisation de la Coupe du Monde, et qu’ils attribuèrent l’édition 2010 à l’Afrique, était que les retombées de cette compétition profitent au maximum à tous les pays du continent. Non pas que tous l’organisent à la fois ou se qualifient pour la phase finale, mais que la majorité touche les dividendes de l’avènement sur le sol du continent d’un événement aux bénéfices colossaux.
Pour ce qui est de notre pays, disons-le sans détour, le pari est manqué.
Nous aimons à nous gargariser de ce que notre pays est l’« Afrique en miniature », sans trop nous soucier de la portée des mots ni des implications d’une telle assertion sur notre offre en tourisme de masse. Si tel était le cas, l’arrivée de la Coupe du Monde sur notre continent nous aurait permis de nous positionner comme étant une des meilleures destinations pour une vingtaine de pays qualifiés. Si notre tourisme était véritablement développé, s’il pouvait être attractif, chaque coin de notre pays serait un site potentiel pour accueillir une équipe nationale en route pour l’Afrique du Sud. Kribi, Ngaoundéré, Garoua, Yaoundé, Batouri, pour ne citer qu’elles, verraient affluer sélections nationales et accompagnateurs, journalistes et curieux, supporters et tout ce qui va avec.
Hélas ! Le Cameroun n’est pas l’Amérique. De précieuses devises vont nous filer sous le nez, qui auraient permis à nos hôteliers de se faire de bons petits coussins de réserves et au secteur informel de respirer un petit bol d’air frais, par ces temps de galère. A titre d’exemple, une délégation brésilienne à la Coupe du Monde, c’est au minimum cent officiels et cent journalistes qui rendent compte quotidiennement de la vie de la Seleçao. C’est aussi et surtout des centaines de sympathisants qui campent aux abords de l’hôtel principal hébergeant la sélection or et vert. C’est pain bénit pour les sites qui les accueillent. Il faut compter quatre Hilton Hotel pour les héberger !
Imaginons un instant que notre pays, en plus de la notoriété dont jouissent les Lions Indomptables, disposât de cinq ou six aires de jeu modernes et de dix hôtels de grande capacité, il ne fait point de doute que nous aurions constitué une escale appréciable pour les protagonistes de la Coupe du Monde, et, tout porte à croire que plus d’un match amical se serait disputé sur nos terres dans cet intervalle-là.
Résultat des courses, le Cameroun, une fois encore, va voir passer, sous son nez, les immenses retombées de la première Coupe du Monde à se disputer sur le continent noir. Apparemment, il ne sera pas seul dans ce cas, les autres pays subsahariens ayant été surpris ( ?) par ce rendez-vous.
L’Afrique du Sud, finalement, recueillera, seule, tous les fruits de son aventure footeuse. Ce ne sera pas faute, pour la Fifa, d’avoir sensibilisé les autres nations, elle qui a multiplié séminaires et colloques sur le sujet. Mais, c’est tant mieux ainsi, car si la Fifa devait forcément impliquer tous les pays africains dans l’organisation de cet événement, c’est sûr qu’en 2011 nombre d’entre eux ne seraient pas prêts. Heureusement, une nouvelle chance est promise aux canards boiteux du continent : l’Afrique organisera à nouveau le Mondial en 2030.