Le forum de discussion de Camfoot.com est au choix le marché central ou une auberge espagnole. On y fourgue toutes les camelotes, on y arrive avec ses propres convictions, avec raison parce que finalement on n’est sûr d’y trouver que ce que l’on y apporte. À l’ombre du manguier de Camfoot, le débat est moins une confrontation d’idées qu’une joute, pas toujours à fleuret moucheté, dont le vainqueur est invariablement celui qui sort l’insulte la plus sentie ou qui a les rieurs de son côté.
Mouf mi dè ! Que dire à quelqu’un « ta maman » ou le traiter de kengué, de depso, de waka ou de pauvre connard emprisonné dans une minable vie est une insulte depuis quand au Cameroun ? Un Gabonais est quoi d’autre qu’un Bongolaid ? Un Ivoirien, s’il connaissait quelque chose, on l’appellerait ivoirien ? Et Popaul ? Et même votre scribe favori, n’est-ce pas un vieux con pas beau qui aime sortir son anglais de Mamfé ici ?
Voici donc le Toli, le prozac, le tranquillisant miracle des béats et des ravis qui recréent virtuellement le Cameroun, un pays unique où tout le monde sait que tout va mal mais fait quand même comme si tout allait bien. Alors, jamais vraiment des sujets qui fâchent ou qui sont porteurs de controverse ; jamais de débat de fond sur le football au Cameroun ; jamais de remise en cause des décisions de la Fécafoot ou du MINSEP ; jamais de volonté de savoir ce qui motive des décisions des autorités sportives.
Sous le couvert de l’anonymat, les « tolieurs » se pètent les bretelles, passez-moi l’expression québécoise. Le Cameroun, voyez-vous, est une grande nation de foot qui va gagner la Coupe du monde, vous allez voir ! Et alors, chacun y va de ses pronostics, de son onze « entrant ». Eto’o est le meilleur avant-centre du monde ; vous avez vu le milieu que nous avons ? Et notre défense, c’est des deux de pique qui sont là ? Alo’o Efoulou. Bassong. BAE. Les Song ! Nous sommes les meilleurs, et que personne ne mette cela en doute.
Le Toli est animé par une faune largement abêtie qui, curieusement, regorge de types éduqués, de professeurs, de médecins, de mathématiciens, d’économistes et d’autres professionnels. Ces gens passent quand même deux semaines entières à s’insulter sur la loi du hors-jeu, à analyser le jeu de Barcelone et du Paris-Saint-Germain, à disserter sur le salaire d’Eto’o.
Et puis, il y a les femmes. Les vraies indépendantes, celles qui ont leur quant-à-soi (il y en a eu une), ne durent pas. Celles qui restent, racoleuses en diable, mais soucieuses de montrer qu’elles ont frotté leurs joues à plusieurs moustaches auparavant, sont dans le camp des vedettes du moment. Speed, sympathique hurluberlu inoffensif et, surtout, John Barrick.
Coach des bars et des cafés parisiens pour les uns, grand coach pour les dames, valet de la faribole pour un tolieur savant, John Barrick est présent sur tous les fronts et tous les combats. Débatteur teigneux et justifiant d’une culture footballistique certaine, il cogne, houspille, enseigne et sanctionne ceux qui osent mettre en doute sa dialectique un peu tordue. Il a deux grands mérites sur le Toli : il a inventé la position de dépositaire de jeu et il a créé le milieu relanceur-relayeur-récupérateur-repreneur. Joseph Antoine Bell lui donne de l’urticaire, une affaire de bac il paraît ; et Roger Milla ne fait que du bien à ses yeux. Les deux se rencontrent de temps à autre. C’est ça, le Toli sous le manguier.