Plusieurs journaux m’ont prêté des propos au sujet de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Samuel Eto’o. Je ne me reconnais absolument pas dans ce qui s’est écrit, et pour cause, j’avais décidé de ne pas m’exprimer sur le sujet.
Mais plutôt que de voir circuler des déclarations qui ne reflètent pas ma pensée, il m’est apparu nécessaire d’écrire afin que nul n’en ignore.
Au moment où éclate l’affaire, je suis consultant sous contrat au ministère des Sports et de l’éducation physique et c’est à ce titre que j’assiste à la réunion convoquée par le ministre pour entendre le compte rendu du voyage des Lions au Maroc (et du match avorté à Alger). Y sont conviés les collaborateurs du ministre ayant fait partie de la délégation, le secrétaire général de la Fédération et les encadreurs techniques des Lions. Nul besoin de trahir le secret d’une réunion administrative en donnant le point de vue des uns et des autres dans les lignes qui suivent. Simplement, s’agissant d’une affaire de primes non payées à laquelle une équipe entière a répondu par une non participation à un match, connaissant mon passé, il me semble qu’il n’y ait lieu d’être grand clerc pour deviner ce que fut ma position lors de cette réunion. Ladite réunion s’est achevée sur des résolutions acceptées par tous, tant et si bien que les encadreurs m’ont attendu à la sortie pour me remercier de mes positions qui ont conduit à un dénouement qui, manifestement arrangeait leurs affaires de techniciens. Seulement, à ce jour, aucune des résolutions prises ce jour-là n’a jamais été mise en application.
A titre d’exemple, la délégation ministérielle qui devait se rendre à Alger pour présenter des excuses bien diplomatiques et sportives de la République du Cameroun aux frères Algériens n’a jamais été constituée. La suite, tout le monde la connaît, ce sont les sanctions à l’encontre des joueurs. A propos de la décision de Samuel Eto’o, je me suis toujours dissocié du «patriotisme griotique» et même si cela m’a attiré une inimitié certaine je n’ai jamais changé et ne vais pas commencer aujourd’hui.
Le sens patriotique, le vrai, nous commande de toujours agir dans le sens de l’intérêt de la patrie. Or celle-ci est éternelle et ses intérêts ne se jugent pas à un avantage immérité ou indu qui ne peut être qu’illusoire, autant qu’éphémère. L’intérêt de notre Nation est-il de s’accommoder de dysfonctionnements avérés ou de s’attaquer aux causes des problèmes au risque de nous aliéner des caciques dont l’autorité, par définition, ne peut être que limitée dans le temps ? Ma position a toujours été clairement de servir la vérité parce qu’elle finira par s’imposer et c’est elle qui dure…comme la Patrie.
Après le match de qualification pour la Can 2012 face au Sénégal à Yaoundé, ceux qui savent écouter m’ont certainement entendu dire que malgré le pénalty manqué de Samuel Eto’o, sa prestation valait le déplacement et que c’était un régal de le voir jouer comme ce jour-là (sachant qu’il ne ratera pas un penalty à tous les matches). Il est donc facile d’imaginer que son retrait, même momentané, ne me fait pas plaisir. Avec sa récente décision, Samuel Eto’o a posé un acte patriotique de très grande portée. Il a fait plus que de marquer des buts mais il l’a fait à la suite d’autres avant lui, et cela ne diminue en rien son mérite, bien au contraire. Je passerais des heures à en décortiquer le sens.
Ce qui m’amène à proposer cette question philosophique à notre méditation: «En tombant dans une forêt où il n’y a aucune oreille, un grand arbre fait-il du bruit?»
Joseph Antoine Bell