Et logés aux frais de la princesse pour superviser vingt six footballeurs du crû rassemblés à la hâte, pour un stage d’entraînement de huit heures, bâclé en à peine deux journées, et conclu par deux test-matches sans grand enjeu contre Les Astres de Douala et le Canon de Yaoundé.
Pour un stage dont on nous avait vanté les vertus rédemptrices pour le football camerounais encore en proie au doute, tout est curieusement allé trop vite. A l’instar du point de presse qui l’a clôturé, un point de presse pour amuser la galerie des journalistes pris dans le piège à cons d’un stage qui s’est achevé « plus tôt que prévu », selon les propres termes de son organisateur : « à la demande des entraîneurs locaux » ! Il n’y a qu’au Cameroun que l’on assiste à de telles pitreries et continuer de croire aux miracles du Saint-Esprit : le sélectionneur national réclame à cors et à cris la tenue d’un stage, mais il assiste à sa fin prématurée, sans en paraître choqué… Il hurle même à l’occasion sa « satisfaction d’avoir atteint tous les objectifs».
Paul Le Guen n’eut il pas voulu démontrer l’inutilité de ce stage avec les locaux, qu’il s’y serait pris autrement. Et en vérité, ce stage n’a pas de place dans le plan de préparation des Lions indomptables. Car après tout, ce n’est pas à un championnat d’Afrique des amateurs que nous allons, mais bien à la phase finale de la Coupe du Monde : la bataille entre ce que les nations comptent de grands joueurs et sélectionneurs, et qui, par leur talent, leur génie et leurs stratégies, visent à remporter l’unique trophée en jeu.
Que l’on ne se trompe pas d’époque : le temps où notre équipe nationale était composée de locaux est à jamais révolu. Qu’il plaise qu’on rappelle que ces locaux subissaient, lorsqu’ils étaient appelés, une formation qui les mettait au niveau de leurs coéquipiers venus d’Europe. Pour jouer en 1990, par exemple, les Camerounais se sont préparés pendant trois bons mois en Yougoslavie et en Italie. Pas en huit heures !
La réglementation du football mondial actuel impose un calendrier rigoureux aux sélections qui ne peuvent par conséquent pas disposer de leurs joueurs comme c’était le cas de Valeri Nepomniachi, avant l’Italie. En vérité, c’est vers fin mai que M. Le Guen pourra rassembler tout son effectif. Peut-il nous garantir qu’entre le 20 mai et le 11 juin, il peut transformer un joueur local en pur diamant ? Il vaut mieux un footballeur professionnel moyen qu’un amateur qu’on espère bonifier. Même s’il ne joue pas à plein temps, un « pro » bénéficie d’un encadrement technique de haut niveau, à plein temps. Ce qui est loin d’être le cas du Camerounais du terroir soumis à tous les impondérables d’une carrière au-petit- bonheur-la-chance. Thierry Henri n’est pas titulaire en Espagne, mais n’est-il pas le capitaine des Bleus ? Viendrait-il à l’idée de quiconque de lui préférer un joueur amateur de L’U.S. Quevilly qui vient de briller en Coupe de France ?
L’antienne de mes compatriotes et de Paul Le Guen semble qu’il faille donner « leur chance » à deux ou trois joueurs locaux. Ce qu’ils feignent d’ignorer c’est que la Coupe du Monde n’est pas le plateau d’un théâtre où un acteur de fortune peut se tirer d’affaire grâce à l’habileté d’un souffleur caché derrière le rideau. La Coupe du Monde est une épreuve hautement éprouvante, mentalement, nerveusement et physiquement. Elle exige que tous les acteurs soient d’un niveau égal, offrant à l’entraîneur plusieurs possibilités de substitution en cas d’incident. Venons nous à perdre de vue que l’objectif, pour notre sixième participation, n’est pas de faire un petit premier tour, mais à marquer durablement les esprits et l’épreuve ? par notre performance. Tout ce qui ne concourre pas vers cet objectif n’est que perte de temps et, malheureusement, perte d’argent.
Jean-Lambert NANG