Il y a des jours comme ça, où l’on se trouve sur un petit nuage, où l’on refuse de réfléchir pour, simplement savourer les choses. Dimanche 02 novembre dernier, Lewis Hamilton est devenu, à 23 ans, le plus jeune champion du monde de Formule 1, après un scénario au suspense digne de Hollywood. Il se trouve que Lewis Hamilton est un jeune anglais dont le père était un Noir, venu de l’île de Grenade.
Mercredi 05 novembre au matin, le monde s’est réveillé pas tout à fait identique à ce qu’il était la veille. La première puissance de la planète venait de mettre à sa direction un jeune sénateur issu d’une minorité longtemps stigmatisée : Barack Hussein Obama, fils d’un Kényan musulman.
Samedi 04 novembre au soir, ceux qui regardaient le match entre le Barça et Valladolid ont assisté, émerveillé et stupéfait, à l’un des plus rapides quadruplés de l’histoire du football. Le joueur le plus chahuté cet été pendant la période des transferts européens, le seul footballeur mis sous pression par son propre coach, un jeune africain victime plusieurs fois d’insultes racistes de la part de quelques imbéciles, Samuel Eto’o signait une performance digne de la plus grande admiration. Quatre buts consécutifs marqués en une quarantaine de minutes, soit un ratio d’un but toutes les dix minutes. Du Mac Bolan footballistique, rapide, net et sans bavure. Phénoménal.
Pourquoi ces trois performances me comblent-elles de joie ? Parce que ces trois personnalités ont des racines africaines ? Parce que c’est eux et parce que c’est moi ?
Je pourrais en effet me réfugier dans cette fulgurante formule utilisée par Montaigne pour expliquer son amitié avec La Boétie. Je pourrais aussi, à contrario, raisonner et analyser, disséquer et organiser les arguments et les motivations qui me font croire, ces jours-ci, qu’il se passe quelque chose de spécial.
Mais il y a des jours comme ça, où l’on n’a nulle envie de ratiociner, où l’on veut se contenter de voir les liens cachés derrière les choses visibles, comme aurait dit Birago Diop. Et si tout cela était lié ? Et si la véritable révolution que constitue la victoire (hier probable, aujourd’hui réelle) de Barack Obama avait trouvé son écho dans le mental de nos sportifs, avant qu’elle ne vienne réveiller notre fierté à nous tous, nous autres ?
Car Barack Obama, contrairement à ce qu’on raconte partout, n’a pas été élu parce qu’il est noir. Il a été choisi parce que, dans le contexte actuel, il est le plus compétent. Il se trouve que, par ailleurs, il est né d’un père noir. La révolution vient de ce que les électeurs ne se sont pas arrêtés à ce détail pour le discriminer.
Que l’on me suive bien : pour la première fois à cette échelle, les Américains ont donné au monde entier une leçon de pragmatisme. Le signal qu’ils envoient, c’est celui-ci : « si tu discrimines celui qui est le plus compétent pour s’occuper de tes problèmes, tu te tires une balle dans le pied. Or, ce n’est pas seulement immoral, c’est également stupide. »
Mon vœu le plus cher ? Que ce soit l’occasion pour chacun d’entre nous de relever la tête, et de sortir nos divers talents des fonds de valise où nous les laissons moisir pour cause de découragement et de pessimisme devenu une seconde nature. Le matin est frais et clair, dirait Césaire. Nous vivons depuis mercredi dans un nouveau monde.
Mais comprenons bien où se trouve le bénéfice de ces événements. Il est moral. Rien de plus, mais quoi de plus important ? Je vois déjà, ici et là, des Africains qui attendent l’arrivée d’Obama dans leur pays pour qu’il vienne les sauver. Il ne viendra pas, car ce n’est pas son rôle. Par contre, Samuel Eto’o nous montre quelle doit être notre réaction là où chacun a la possibilité d’agir.
Il y a des jours comme ça où l’on a envie que ce soit déjà lundi, pour en mettre plein la vue à ses collègues, non par des discours creux et revanchards, mais dans une performance professionnelle qui serait l’équivalent de ce que Samuel a fait ce samedi soir.
Et il y a des jours comme ça où l’on en perd son latin, où les mots et expressions vous fuient comme l’ombre fuit le marcheur. Comment appelle-t-on un coup du chapeau plus un but ?