C’est un spectacle inouï qui se déploie devant les camerounais depuis ce jour de Septembre 2021 où Samuel Eto’o, joueur mythique et parmi les meilleurs que le football africain ait connu, a décidé de rendre public sa candidature pour le poste de Président de la Fécafoot. L’idée a de quoi étonner. C’est qu’en tant que footballeur et parmi les meilleurs, Samuel Eto’o devrait connaitre le niveau d’exigence qu’on est à même d’attendre des dirigeants de ce niveau. Comme un joueur de ligue corpo ne devrait prétendre envier ses homologues du FC Barcelone.
Un monde les sépare quand bien même ils se disent tous footballeurs.
Il est vrai qu’au Cameroun, la méritocratie est un mot aussi vain que la poussière, ou les promesses.
Comment en vient-il qu’un monsieur comme Samuel Eto’o, estime qu’il soit celui par qui le salut du football camerounais viendrait ? Cela tiendrait de la perfidie dans d’autres sociétés. Mais le Cameroun marche décidément sur la tête. On peut peut-être avoir une idée de ce qui le fait courir, tant ceux qui ont géré cette fonction ces récentes années ne sont en rien des hommes ayant quelques capacités que ce soit. La preuve est la déliquescence du football camerounais, jeune, amateur et professionnel. Pour rappel, les championnats sont à l’arrêt et il serait étonnant que le Cameroun ait des représentants en compétition africaine. Même la Coupe du Cameroun n’a pas été joué. C’est tout dire.
Mais sa candidature a surpris même si les rumeurs couraient depuis longtemps. C’était acquis que Seidou Mbombo Njoya allait se représenter au moins pour défendre son mandat. Et ce Mbombo Njoya est clairement une fabrication de Samuel Eto’o qui avait décidé de jeter son dévolu sur lui lors de la dernière élection. Et pourtant, un autre ancien joueur mythique était aussi candidat. Joseph-Antoine Bell. Sauf que le slogan « le football aux footballeurs » ne semblait pas à l’ordre du jour.
Ces élections de décembre 2018 avaient été planifiées et organisées par un Comité de Normalisation mis en place par la FIFA un peu moins de deux ans auparavant. Gianni Infantino venait d’être élu à la FIFA. Ne disposant pas de connaissances fermes sur le pays, il s’Est fait aider par Samuel Eto’o pour le choix d’un Président. Le gars de New Bell est malin. Il a saisi l’opportunité pour se faire incontournable, et a placé un de ses avocats, Me Dieudonné Happi, comme le Président de ce Comité de Normalisation.
Sensé réécrire les textes de l’association, Me Happi et son exécutif avait d’autres idées bien plus élargies : s’installer durablement à la Fédération. Les textes sont bâclés, les budgets de la fédération auraient disparu. On parle même d’un manque à gagner de 800 millions de FCFA. Le Secrétaire Général nommé, est un proche du Pichichi qui contrôlerait, dit-on, tous les pans de la fédération. Les agents de joueurs ne sont plus la bienvenue. Il faut travailler avec les partenaires de Samuel, qui sont aussi, coïncidence, les fils de Dieudonné Happi. On leur attribue même les choix des sélectionneurs nationaux, entre autre celui de Clarence Seedorf et Patrick Kluivert.
On rapporte que ce serait pour pérenniser son règne qu’il aurait jété son dévolu sur Seidou Mbombo Njoya, un fils de Sultan, réputé calme, possiblement malléable. Il avait déjà assis sa domination par la force de ses moyens et ceux de ses financiers.
Il ne restait plus qu’à faire tout en leur possible pour que la victoire soit acquise lors de l’assemblée élective.
Au soir du 12 décembre 2018, son candidat est le nouveau Président de la Fédération. Le champagne est sabré. L’essentiel du personnel acquis sous Dieudonné Happi est resté en place. Seidou Mbombo Njoya est un bon Président jusque là pour le Pichichi, même si une bonne partie des amateurs de football ne se sent pas concernée et fonce au TAS pour obtenir gain de cause.
Mbombo Njoya suit généreusement les conseils de son patron et engage une guerre contre le Général Semengué pour récupérer la Ligue. La rumeur explique que la raison serait un vieux contentieux avec Fils.
Samuel Eto’o, une vie trépidante
On ne connait pas les raisons de la rupture entre les deux hommes. Lorsque Didier Banlock est viré manu militari de la Fécafoot, il est clair que la main mise de Eto’o sur la structure s’est relâchée. Cela signifiait déjà un marquage de velléités d’indépendance de la part de Njoya.
Et quand Samuel est contrarié, il se bute. Comme à Kinshasa lorsque la CAF et la FIFA ont tenté un rapprochement avec Seidou Mbombo Njoya et lui ont proposé un poste de Premier Vice-Président à l’image de ce qui a été fait lors des élection à la CAF. Puis à Garoua lorsque Ferdinand Ngoh Ngoh, son soutien d’entre tous, a tenté un autre rapprochement en toute discrétion entre les deux. Mais Eto’o Fils a réagi tellement violemment qu’une fois à Yaoundé, il est allé directement dans le camp d’en face, voir Mvondo Awolo, le Directeur du Cabinet Civil pour s’en plaindre et accuser.
Ah non Samuel ne manque pas de culot. Et son nom circule dans tout ce qui est « fort aux pieds, mais aussi forts des fesses », comme dans photos nus à travers les réseaux sociaux. Son nom est associé, à tort ou à raison, à tout ce qui se fait de dégoutant à l’image des photos nues balancées ci et là.
Mais, et il faut lui donner cela, il est une vrai star. Il nous fait rêver, et réalise les rêves les plus fous de bien de personnes. Généreux de ses dons, il sait aussi récompenser ceux qui acceptent ses quatre volontés. Les délégués de l’AG de 2018 l’ont témoigné sans gêne. Les nouveaux princes de Yaoundé depuis plusieurs jours sont les délégués qui iront aux urnes ce samedi. Ils sont au petit soin. Le cash a circulé et au gré des décomptes, les liasses seront de plus en plus pesantes.
Le faiseur de roi veut désormais assumer
Le football aux footballeurs soit. Mais diriger une fédération nationale demande bien d’autres compétences parallèles que jouer au ballon. Le footballeur, le joueur, c’est la quantité infinimentésimale de l’activité du football. Au dessus, on a des éducateurs qui gèrent plusieurs joueurs, puis des coach avec un niveau de compétence plus affiné. À divers niveau, on retrouve des petits secrétaires, des directeurs sportifs, des directeurs techniques, des préparateurs physique, ceux de la médecine sportive… Et on est là toujours sur le terrain. Si on monte un peux plus loin, on a ceux qui commencent à faire de la stratégie; les directeurs de compétitions, les comptables, des DRH, les avocats, etc, etc… Après les présidents de clubs de divers niveau, les dirigeants départementaux, régionaux, qui organisent, contrôlent, recommandent, etc… et on monte, et on monte.
Pour faire court, si le footballeur joue au ballon et produit de l’argent, c’est bien parce que plusieurs autres personnes au dessus leur donnent la possibilité de s’épanouir et de developper leur talent.
Le football est devenu un business où les rêves, les émotions, l’incompétence n’ont pas leur place. Un président de fédération doit avoir des compétences parallèles pour comprendre, gérer, diriger, orienter, et faire grandir son sport.
Samuel Eto’o devra assumer seul ses différents choix du passé. En pratiquement cinq ans de présence ininterrompu comme conseiller craint et très écouté du football camerounais, il devrait comprendre la difficulté unique de gérer une fédération.
Edouard Mpondo, correspondance particulière
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