Les Malinkés vivent au Mali, qui est le seul pays au monde où les Camerounais entrent sans visa. Je confesse volontiers ici que le permis de conduire que j’utilise est un permis malien. Cela crée des liens avec ce pays. Les Français vivent un peu en France, le pays qui nomme le sélectionneur des Lions du Cameroun, mais où n’entre pas le Camerounais qui veut.
Cela aussi crée un certain lien. Mais sur la foi de la rumeur qui persiste depuis une bonne semaine, rumeur qui laisserait entendre que les Bleus, l’Équipe de France, seraient en fait l’équipe du reste du monde et plus précisément l’équipe de Bamako, on serait en droit de penser que les liens qui unissent les Français aux Maliens nous unissent aussi aux Français, justement par Maliens interposés.
Français et Camerounais, nous sommes donc tous même chose, comme on dirait au bord de la Lagune Ébrié. Même combat, mais surtout, même galère. Toutefois, notre désamour et notre dépit collectifs n’ont pas la même cause. Le problème principal des Français, c’est qu’il y a trop de Noirs chez les Bleus. Le nôtre, c’est qu’il n’y a rien chez les Lions. Peu importe toutefois, nous sommes tous dans la mouise jusqu’à la garde.
Ce qui ne nous empêche quand même pas, de ce côté-ci de la Sanaga, de rigoler en cachette et de penser que la misère qui s’abat sur les Français ne pouvait arriver à un meilleur peuple. Peuple de donneurs de leçons, pleins de morgue, intrigants, vains, comploteurs, égoïstes, racistes… Y aurait-il une justice quelque part, vraiment ? Voir les Français dans la galère, désorientés et touchés dans leur légendaire orgueil, quel spectacle sardoniquement réjouissant, quand même !
Cela dit, ne tirons pas sur une ambulance, surtout sur une ambulance où nous agonisons aussi. Nous sommes tous Français aujourd’hui, donc Maliens. Mais on ne va pas se laisser mourir sans réagir un peu, quand même !
Ce qui me ramène aux Malinkés. Ceux-ci ont un bon mot, « faforo » ! C’est une manière de dire à la fois et en même temps : ta mère pond ! bordelle ! waka ! bangala de ton père ! bangala de mon père ! ta sœur ! c. de ta cousine ! you mami pima ! fils de p. ! ton frère est un bâtard !
Dans un élan de fraternité, de compassion et de générosité, ensemble dans la galère, invitons les Français à lancer en l’air, sans destination précise, un retentissant FAFORO ! Évidemment, je laisse aux Camerounais le loisir d’ajouter « vos mamans ! », pour bien montrer aux Français que nous sommes peut-être dans la même misère mais que nous ne sommes pas vraiment des Maliens comme eux. Ceux qui se sentent morveux n’auront qu’à se moucher.