Je vous annonce, chers lecteurs, que Jésus se trouve dans ma chambre d’hôtel. Aujourd’hui c’est dimanche, et j’occupe la chambre 202 au très chic Hôtel Mfandena, tarif négociable, seau d’eau en permanence dans la salle d’eau. Qu’est-ce que vous croyiez ? Que votre scribe favori allait inconsidérément s’installer dans les palaces de Yaoundé, loin de la Cuvette, arène de nos victoires d’hier et de demain ? Non, bien sûr. Je suis à Mfandena, et pour tout vous dire, je ne suis pas avec Marie, mais je ne suis pas seul.
Juste en bas, à gauche, du côté de Titi Garage, l’Assemblée des Saints de Dieu a commencé sa grande assemblée dominicale. La Vraie Eglise de Dieu s’est installée à un jet de pierre, sur la vieille route qui mène à Elig-Essono. Du côté d’Essos, l’Eglise du Plein-Evangile tient kermesse et semble attirer de somptueuses callipyges qui expliqueraient, selon un voisin averti, la popularité particulière de cette église. Dieu, Christ et Yahvé se sont donné rendez-vous sur mon balcon.
Aucun mal à cela, vous le pensez bien. À chacun son Dieu, à chacun sa loterie. Jésus, c’est clair depuis au moins une quinzaine d’années, s’est démultiplié sous diverses formes, la prolifération de nouvelles églises en faisant largement foi. Cela se remarque ailleurs, mais au Cameroun, comme presque toujours, cette évolution semble avoir trouvé, dans la furieuse envie qu’ont nos compatriotes de récolter sans planter, un terrain particulièrement fertile. Le football camerounais de ces quinze dernières années en est un bon exemple.
Autant que je puisse me rappeler, on nous apprenait que les bons, les charitables et les humbles auraient le Royaume en partage. Nous n’avions qu’à suivre le chemin du juste, sourds aux sollicitations des méchants et des avaricieux, à vivre loin du péché, à cultiver notre jardin, à aimer notre prochain, à donner autour de nous et Dieu allait nous le rendre au centuple. Une fois que nous serions morts, toutefois. Cette promesse de Dieu a longtemps été le socle de la foi chrétienne.
Les choses ont bien changé depuis. Les églises qui ont essaimé partout promettent la récompense immédiate ; le miracle est garanti à tous les coups, plus besoin d’attendre la mort et l’au-delà. Vous voulez être admis à un concours demain ? Priez aujourd’hui. Vous avez une ordonnance à payer ? Priez et vous aurez les sous. Vous cherchez une épouse ? Venez prier, surtout à notre église, et vous l’aurez.
Alors, à quoi bon travailler dur, investir, cultiver, bâtir ? Nous voulons gagner la Coupe du monde, non ? Alors tout de suite, nous avons par miracle Choupo-Moting, Matip, Ndjeng, Ngog et, pourquoi pas, Darcheville… Prions et nous trouverons tout de suite dans les banlieues parisiennes, les bouges arméniens, les alpages suisses et dans les hameaux teutons les plus reculés, dans les divisons de troisième ordre en Turquie ou en Thaïlande, le merle blanc, l’attaquant mortel, le demi génial, le goalier aux mains sûres dont nous avons tant besoin. Et, faites donc, mon Dieu, que ce merle blanc soit café au lait !