Des violences subies par les joueurs algériens en Egypte à la main « diabolique » de Thierry Henry qui élimine une vaillante équipe d’Irlande, en passant par les curieuses dégradations faites par des supporters algériens en France pour fêter leur victoire, et l’orage diplomatique déclenché par l’ Egypte suite à sa défaite sur terrain neutre au Soudan, cette fin de phase éliminatoires pour la Coupe du Monde FIFA ne fait que nous rappeler que le football n’est pas la plus exemplaire des disciplines sportives.
Le football est le sport le plus pratiqué et le plus regardé sur la planète. C’est le sport-roi, dit-on souvent. Or, voilà un moment que le roi est nu.
Face à cela, il y a deux attitudes que l’on retrouve dans le débat qui fait rage actuellement dans la planète foot :
1. Le cynisme : « Tant pis. L’essentiel, c’est de gagner, contrairement à ce que disait Pierre de Coubertin, cet idéaliste qui n’a pas connu les contrats à six zéro et les sondages d’opinion ».
2. L’indignation : « Il n’est pas admissible que nous ayons un roi nu. Détrônons le, ou alors habillons-le ».
Le problème, à mon avis, c’est que le football n’a jamais porté avec fierté ses atours de monarque des sports.
Dès qu’il a accédé à son règne planétaire, il a immédiatement commencé à montrer ses sous-vêtements : on se rappelle Pelé (le roi du sport-roi) se faisant massacrer par des défenseurs sans noblesse. On sait que nombre de joueurs au talent éblouissant ont triché sans état d’âme dès qu’ils l’ont pu.
Puis vint l’âge du marketing et des politiques comptant de plus en plus sur les jeux du cirque footballistique pour faire oublier leur incapacité à garantir au peuple le pain quotidien. Grâce à la méga-diffusion et aux ralentis multi-angle, voilà le football devenu le parangon de la tricherie.
C’est le seul sport dans lequel on s’applique autant à simuler, mentir, insulter, violenter et magouiller sans vergogne. Pour donner le change, on tend la main à l’adversaire qu’on vient de jeter au sol, et on rend le ballon à l’équipe qui l’a envoyé en touche suite à la prestation dramatique de haute classe d’un de ses joueurs, « blessé ». Et au candide public d’applaudir, sous les claquements joyeux du drapeau de la FIFA, qui proclame « Fair Play » à tout vent.
En réalité, les joueurs cassent du tibia dès qu’ils le peuvent, contestent interminablement la moindre décision des arbitres, plongent complaisament au sol à la première occasion, se tordent de douleur comme des moribonds « in articulo mortis », pour se relever deux minutes plus tard, miraculeusement rétablis. Quant aux entraîneurs et sélectionneurs, ils ont adopté depuis des lustres la philosophie de Machiavel et la langue de bois qui l’accompagne (quand ce n’est le langage de caniveau). Les instances dirigeantes, pas en reste, ont pour principal souci de soigner leurs marges d’opération qui se déclinent en devises sonnantes et trébuchantes.
Signe des temps ? Dans cette foire, « l’esprit sportif » est devenu une expression caduque, comme le terme « morale » est devenu un gros mot dans nos sociétés postmodernes, individualistes et qui n’en finissent pas de s’atomiser grâce à nos multiples perfidies.
L’heure est à la victoire à tout les prix, fût-ce celui de l’impudence la plus honteuse.
Les rencontres sportives étaient destinées à donner un contexte à l’esprit du fair play qui, il faut peut-être le rappeler, se traduit en français par « l’honnêteté dans le jeu ». Or, si l’on peut encore trouver du beau jeu (Dieu merci), l’honnêteté a depuis longtemps reçu un carton rouge : on ne la croise plus sur les pelouses.
Dans ce contexte, parler d’éthique dans le football revient à parler de morale à un auditoire de traders.
Pourtant, l’amateur de football que je suis ne peut se résoudre à accepter ce constat comme une fatalité. Il nous incombe, nous les supporters, nous sans qui il n’y aurait ni contrats mirobolants, ni fortunes himalayennes, d’exiger des instances dirigeantes un assainissement des milieux du football. Les moyens existent, ils sont connus. Il s’agit d’accroître le degré de sanction contre les actes contraires à l’esprit sportif et à la morale sociale. Il s’agit aussi de prendre des mesures concrètes afin de réduire les risques d’injustice : augmenter le nombre d’arbitres autour de l’aire de jeu, voire adopter l’arbitrage technologique.
En d’autres mots, épurer les enjeux pour ramener du jeu.
Or, si rien n’est fait, je crains que le football n’entre en décadence, doucement mais irrémédiablement.
Au fait, en parlant de beau jeu, je me rappelle soudain que nous avons une CAN à gagner, dans deux mois.