Tous les samedis, je le regarde jouer avec Tottenham Hotspur et je ne peux m’empêcher de me poser cette question : Benoît Assou-Ekotto à l’équipe nationale du Cameroun; c’est quoi le problème? Je veux comprendre comment le meilleur arrière gauche des trois dernières saisons du meilleur championnat du monde peut ne pas avoir sa place dans une sélection incapable de se qualifier pour la CAN. Et je vous avoue n’avoir jamais été capable d’y trouver une réponse.
Le cas Benoît Assou-Ekotto est une énigme. Sans doute l’un des tous meilleurs à son poste, seul joueur de champ à avoir joué tous les matchs en championnat depuis le début de la saison, il est un maillon essentiel du jeu à Tottenham, poussant même Harry Rednapp à faire jouer Gareth Bale dans une position avancée. C’est l’histoire d’un joueur au talent immense, à la détermination sans bornes, qui avait toujours répondu à l’appel du drapeau national, sans état d’âme jusqu’à ce que Javier Clemente Lazaro le transforme en bouche-trous.
A la suite d’une blessure grave qui l’a éloigné des terrains pendant plus d’un an, Benoît Assou Ekotto était presque perdu pour le haut niveau à un moment donné, ce qui a retardé ses débuts avec les Lions Indomptables. A cette époque, il a émit des réserves sur la gestion du football au Cameroun. Ses détracteurs en ont profité pour remettre son patriotisme en question et supputer qu’il attendait une sélection en équipe de France, oubliant sciemment de dire qu’en 2003, il avait déjà participé à un tournoi au Nigeria avec les Lionceaux du Cameroun.
Quand on est entraîneur, on est appelé, de par la nature même de sa fonction, à faire des choix, et à les assumer. En 1982, Jean Vincent n’a pas sélectionné Ekoulé pour la coupe du monde. Il a assumé. En 1998, Aimé Jacquet a décidé de se passer de Ginola et Cantona. Il a assumé, en devenant champion du monde. Clemente, dès sa première sélection, a estimé que Benoît Assou Ekotto ne rentrait pas dans son dispositif tactique. Encore fallait-il qu’il en ait un. Sauf que quand il s’est agit de remplacer Vincent Aboubakar, il a fait appel à Assou Ekotto. La deuxième foi, il a été convoqué pour remplacer au pied levé Georges Mandjeck. A chaque sélection quand son nom n’apparaissait pas, Clemente expliquait qu’à son poste, il n’avait que l’embarras du choix. Il est même allé jusqu’à appeler Makadji Boukar dont personne ne sait exactement dans quel championnat il joue, toujours pour contourner le joueur de Tottenham. Est-ce la meilleure façon de gérer les hommes? J’en doute.
Il a essayé stupidement de se justifier : « J’ai remarqué que les Sénégalais jouaient beaucoup de la tête. Après le match amical contre la Macédoine, Gaétan Bong a prouvé qu’il était plus fort dans le jeu aérien. C’est pourquoi je l’ai préféré à Assou-Ekotto. Mais, quand Bong a été blessé en championnat, j’ai aussitôt rappelé Assou Ekotto ». Sauf que ces deux matchs contre le Sénégal, on ne les a jamais gagnés. L’entraîneur espagnol a réussi à ne pas qualifier le Cameroun pour la Can, ce qui n’était plus arrivé depuis 18 ans. Il a tenu le même raisonnement à l’égard de Joël Matip, l’avenir des Lions. Je veux bien que Monsieur Clemente embouche les trompettes pour réclamer l’autonomie dans ses décisions, mais quand un entraîneur se passe d’un joueur, titulaire dans une équipe qui joue les quarts de finale de la Champions League et sélectionne deux amateurs de Cotonsport, c’est au mieux de l’INCOMPETENCE, et au pire de la CONNIVENCE.
On a lu récemment que Denis Lavagne ne voulait plus de Benoît Assou-Ekotto parce qu’il trouve que l’état d’esprit du latéral de Tottenham n’est pas en adéquation avec ses exigences. Et là, je me dis qu’on n’est pas sorti de la gare. Il arrive un moment où on se dit qu’il serait important de liquider toutes les affaires périphériques, afin de créer les meilleures conditions pour assurer l’essentiel. La réflexion qui me vient à l’esprit, c’est que lorsqu’on hérite d’une entreprise, on liquide le passif et conserve les actifs. En quoi Denis Lavagne doit-il se sentir comptable des conflits laissés par son prédécesseur? Lavagne a-t-il réellement émis le vœu de ne plus voir Assou Ekotto chez les Lions? L’a-t-il contacté? Ou c’est le joueur qui aurait décidé de mettre un terme à sa carrière internationale? Sur toutes ces questions, personne ne communique. Nul ne sait exactement ce qu’il en est.
L’environnement dans les Lions, l’indiscipline qu’on lui impute à tort pourrait avoir finalement eu raison d’Assou Ekotto. Il a envoyé une lettre à la Fécafoot dans laquelle il justifiait son absence devant la Commission de discipline par la brièveté du délai de convocation. Mais, il a tenu à expliquer que la Fécafoot devrait plutôt s’intéresser aux vrais problèmes qui minent l’équipe nationale. Une sortie qui a provoqué la colère des concernés. Assou Ekotto a essayé de mettre le doigt où ça fait mal. Il a été sanctionné. Pourtant, l’analyse du joueur de Tottenham est pleine de bon sens : « Sur le papier, le Cameroun n’a jamais été aussi fort, le constat est là. Tous ses joueurs évoluent en Europe, beaucoup disputent la Ligue des champions. L’équipe de 2010 et celle d’aujourd’hui n’ont rien à envier aux Lions de 1990. Mais à cette époque, ils avaient plus à cœur de prouver au peuple camerounais qu’ils pouvaient répondre à leurs attentes. Les guéguerres, je m’en moque. Je donne le meilleur sur le terrain pour être irréprochable, car ma famille est tellement fière de me voir porter ce maillot. Si un coéquipier n’est pas un ami, on doit savoir passer au-dessus et privilégier la fierté de jouer pour son pays. Je suis contrarié parce que nous sommes incapables de nous donner à fond pour rendre heureux 20 millions de Camerounais ».
Par delà le cas Assou Ekotto, c’est la gestion globale de l’équipe nationale qui fait problème. Et malheureusement, cela ne date pas d’hier. On peut le traiter d’indiscipliné, émettre des doutes sur son patriotisme au lieu de comprendre son mal être face au gâchis qui entoure la gestion des Lions Indomptables. On peut le traiter avec dédain, et dire comme quand il s’était agit de Lauren Etame que nul n’est indispensable, et que les Lions Indomptables sont une institution qui existe depuis plus de 50 ans et qui continuera après. C’est vrai que nul n’est indispensable. Mais, à force de dire que ça a toujours été ainsi, on voit où ça nous mène. Comme à de nombreuses reprises, le football camerounais se retrouve à la croisée des chemins. Et de la capacité à trouver des solutions pour s’adapter aux nouvelles exigences et pour se régénérer dépendra son avenir.