Qu’ils sont mornes les dimanches chez nous ! Après le rituel du Parcours Vita, pour les uns, du « Deux Zéro », pour les autres et de la messe, pour d’autres encore, nous éprouvons beaucoup de peine à meubler notre temps libre du dimanche.
La plupart des personnes que l’on interroge sur les raisons de leur défection des stades qui offrent une alternative à la fréquentation des bars et autres lieux de ripailles dominicales, ne cachent pas leur nostalgie des années 80-90. C’était le temps où les stades de la République vibraient tous au rythme des matches du championnat national. Le stade Ahmadou Ahidjo, celui de la Réunification, et tous les autres, étaient des lieux de rassemblement populaire, où les Camerounais de toutes les tribus et de toutes les confessions, communiaient autour du dieu football. Cela semble tellement lointain aujourd’hui, et pourtant c’était il y a à peine vingt ans.
Ces mêmes stades, existent encore aujourd’hui. Les matches s’y disputent toujours. Mais ces derniers ont, depuis fort longtemps, été désertés par leur population de supporters. Est-ce à cause de leur vétusté, qui en fait des milieux sans charme et sans excitation ? Le problème de la vacuité de nos stades résiderait il à ce niveau ?
Ce n’est pas faire preuve de créativité que de regretter, à la suite de plusieurs autres de mes compatriotes, l’étrange décalage entre les progrès réalisés par le football camerounais et sa disette caractéristique en matière d’infrastructures sportives.
Les férus du ballon rond, et ils sont bien nombreux qui aimeraient bien continuer à remplir les travées de nos stades, butent sur l’incapacité de nos infrastructures à leur offrir un cadre à la hauteur de leur vocation.
Les structures sportives, sous d’autres cieux, allient toutes les commodités modernes qui font qu’un stade n’est plus seulement une arène où se battent des protagonistes, mais bien plus, un cadre de loisir, de plaisir, de divertissement. On ne va plus, de nos jours, dans un stade pour n’y passer que 90 minutes. On y va pour plusieurs raisons qui dépassent le strict mobile du spectacle qu’offre le jeu. Le stade est un milieu de vie.
Les concepteurs du stade de Leverkusen, en Allemagne, y ont adossé un établissement hôtelier, qui accueille fans du club et curieux de tous bords, en quêtes de nuits au parfum de football. C’est dire la dimension pluridimensionnelle que les architectes assignent désormais aux infrastructures sportives modernes. Il ne viendrait à l’idée de personne d’aller dans un stade pour s’y ennuyer, par dépit ou par pis aller.
Des nostalgiques des années de charme du football camerounais, justifient plutôt leur absence des arènes, par la pauvreté du spectacle qui leur est servi par les acteurs des joutes nationales. On ne passe pas par quatre chemins pour fustiger, moquer, railler, ce que certains n’hésitent pas à qualifier de « comédie de football ». Leur jugement peut paraître excessif, mais les faits leur donnent raison : aucun club camerounais n’a franchi le cap des 1/8 è de finale des trois compétitions continentales, alors qu’on y a trouvé des Maliens, des Soudanais, des Congolais, etc. L’âge d’or de notre football se serait-il arrêté en 1981, avec la dernière victoire d’un club camerounais en compétition africaine ? Il y a belle lurette que la créativité dans le jeu, l’inspiration dans la passe, la beauté du dernier geste et la folie dans les tribunes et les gradins ont cédé leur place à l’à peu près et la débrouillardise. Les génies sont rares. L’ennui règne en maître sur nos terrains de jeu.
Heureusement, nous avons les Lions indomptables. Eux au moins remplissent encore le grand stade de Yaoundé ; ils suscitent encore une énorme ferveur autour d’eux et du football. Heureusement, car que serait devenu le foot chez nous aujourd’hui, sans club phare et sans stade digne de ce nom ?
Ceux qui sont contraints de passer par le quartier Mfandéna, au nom de quelque aventure dominicale, sont très souvent surpris par la présence, insolite, d’une dizaine de spectateurs perchés sur les hauteurs du « Shaba ». Une espèce en voie de disparition. Les survivants d’un passé « à jamais révolu », pour emprunter à la logomachie révolutionnaire. Ou simplement des téméraires, qui espèrent que le bon vieux temps reviendra.
Peut-on réduire le football au simple rôle de défouloir, d’exutoire des récriminations sourdes, de soutien à des ambitions inavouées ? A quoi sert le football national aujourd’hui au Cameroun ? Quelle ambition porte-t-il ?
Jean Lambert Nang